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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/230

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REVUE DES DEUX MONDES.

qu’on garde inviolable, même sans savoir d’où il vient ni où il va, même sans l’idée d’un regard céleste et d’une palme future. Mais ce débris d’une antique vertu chevaleresque, auquel le poète-chevalier se rattache dans la perte de ses premières étoiles, est-ce donc, comme il le veut croire, une planche de salut pour une société tout entière ? est-ce autre chose qu’un rocher nu, à pic, bon pour quelques-uns, mais stérile et de peu de refuge dans la submersion universelle ? Pour moi, sans généraliser autant que M. de Vigny mes espérances, je me contente de dire : Jamais une société ne sera si désespérée pour la morale, si ingrate pour l’art, que cela ne vaille encore la peine d’y vivre, d’y souffrir, d’y tenter ou d’y mépriser la gloire, quand on peut rencontrer en dédommagement sur sa route des hommes d’exception comme le capitaine Renaud, des poètes d’élite comme celui qui nous l’a retracé.


Sainte-Beuve.