Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
REVUE DES DEUX MONDES.

dommage de ne pouvoir assister à ce duel lyrique du génie d’un homme et du génie d’une femme !

Malgré ces contrariétés passagères, Pindare vécut dans la gloire et le bonheur. Prêtre, magistrat, roi par la poésie, il distribuait la renommée aux hommes, et sauvait les noms de l’oubli. La victoire restait obscure et anonyme sans un chant de Pindare ; les statues étaient comme abolies devant ses vers, et on déposait l’or à ses pieds pour qu’il laissât tomber de sa bouche quelques-unes de ces paroles qui font vivre les mortels. Pindare passa plusieurs fois en Sicile ; il était honoré aux cours d’Agrigente et de Syracuse ; les rois le flattaient.

Quand à Delphes on sacrifiait à Apollon, le prêtre appelait Pindare à haute voix, pour qu’il vînt prendre sa part de la victime et du repas solennel ; ainsi le poète était convié à la table des dieux. Sa vieillesse fut véritablement sacrée pour la Grèce entière, et les traditions racontent qu’il mourut sur le théâtre, expirant avec une douce majesté sur les genoux du jeune Théogène, son disciple, qu’il aimait tendrement. Après sa mort, les Lacédémoniens, à leur entrée victorieuse à Thèbes, respectèrent sa demeure. Plus tard, Alexandre les imita. Pauvre Alexandre ! tu n’as pas de poète, et c’est en soupirant que tu ordonnes de respecter la maison de Pindare !

La fécondité ne manqua pas au génie du poète thébain. Suidas nous a transmis le catalogue des ouvrages de Pindare. C’étaient des olympiennes, des pythiques, des néméennes, des isthmiques. C’étaient aussi des prosodes, des parthénies, des enthronismes, des bacchiques, des daphnophoriques, des pæans, des hymnes, des dithyrambes, des scholies, des encomies, des thrènes, des drames tragiques, des épigrammes héroïques, et d’autres productions encore. De tant de vers il ne nous reste que quarante-cinq chants de victoire destinés à célébrer les triomphes remportés dans les jeux solennels de la Grèce. On peut avec ces hymnes compter quelques fragmens épars dans les écrivains de l’antiquité, et que Jean Godefroy Schneider recueillit à Strasbourg en l’année 1776.

Mais nous ne faisons point ici œuvre de philologue. Nous ren-