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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/251

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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Thiers s’ennuie, que la politique de M. Guizot et de M. de Broglie l’impatiente, et qu’il a trouvé bon de laisser toute la besogne à M. Gasparin, qui s’en charge de grand cœur, pour aller courir les champs comme un écolier en vacances, et jouer le ministre à Bruxelles et dans nos préfectures. Tout ceci est sans importance et sans but ; mais il ne faut tromper personne, et le public ne doit pas être induit en erreur sur les voyages de M. Thiers, dont on sait parfaitement, ou pour dire plus vrai, dont on cherche inutilement le but, au château et au ministère.

Ceux des collègues de M. Thiers qui ne voyagent pas et qui s’occupent sérieusement des affaires de leur département, M. de Broglie et M. Guizot, par exemple, ont vu avec douleur cette déplorable nuit dont tous les journaux ont retenti, nuit que M. Thiers a passée en de si singulières joies, chez M. Vigier, en compagnie de ses collègues MM. Duchâtel et Persil, de M. Gisquet, de M. de Rambuteau, de M. Jacqueminot, et de quelques autres notables et responsables fonctionnaires du gouvernement. On nous permettra de ne pas reproduire ici les détails de cette fête, donnés par les journaux qui n’ont pas commis d’indiscrétion en cette circonstance, puisque quelques-uns des acteurs de cette scène de régence se plaisent à la raconter. Ces détails s’accorderaient mal avec le langage que nous tenons habituellement à nos lecteurs, et il ne nous convient pas de nous faire les historiens des petits soupers, bien que ce soit en quelque sorte une affaire publique qu’une partie où assistent trois ministres, le préfet de police, le préfet de la Seine, des chefs de la garde nationale, des députés, et des fonctionnaires de tout rang. On ne saurait enfermer absolument dans le cercle de la vie privée une fête aussi solennelle, pour laquelle tant d’hommes nécessaires, dit-on, à l’ordre public et à la sécurité de la capitale, quittent tout à coup pendant vingt-quatre heures leurs fonctions ; où l’on a prononcé des discours politiques, du haut d’une table de billard, il est vrai, et la queue à la main ; où l’on a traité toutes les affaires de l’état, dans une complète ivresse, à la vérité, et où s’est fait entendre un charivari, chose défendue ailleurs, mais donné, il faut l’avouer, par des députés ministériels à des ministres. Hâtons-nous d’ajouter que ce petit souper n’aura d’autre résultat politique que l’élévation de M. Vigier à la pairie. Cette promesse est de celles qui se tiennent, elle a été faite inter pocula, et ratifiée par des embrassemens d’ivrognes. L’eau a fait M. Vigier comte et député, le vin le fera duc et pair de France !

Un autre résultat politique cependant, c’est le mécontentement causé