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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

provinces belges par le clergé et par la noblesse, qui avaient si puissamment concouru à l’expulsion des Nassau, donna chaque jour plus de consistance au parti de l’indépendance nationale. Ce parti naquit et se fortifia sous la crainte suggérée par la tendance du mouvement français ; et, comme le dit l’un des esprits les plus judicieux de sa patrie, l’indépendance belge fut une idée de juste-milieu, une inspiration transitoire, et peut-être factice, de modération et de prudence[1]. En Allemagne, les convulsions d’Aix-la-Chapelle et des deux Hesses produisirent une impression analogue à celle qui frappa la Belgique aux scènes dévastatrices du Hainaut et des Flandres. D’ailleurs, c’était se faire une double illusion que de compter, comme point d’appui contre les gouvernemens de l’Europe, sur ce qu’on nommait alors en Allemagne l’opposition constitutionnelle. Outre que cette opposition, spécialement formée des classes jeunes et lettrées, n’avait pas déposé contre la nation et les couleurs du grand empire les antipathies entretenues par ce qui survivait encore du vieil esprit de Jahn et des chefs de la sainte croisade, comment méconnaître ce qu’une telle opinion a de précaire au-delà du Rhin ? En ce pays, les mœurs attachent au pouvoir autant que les intérêts, et les familles souveraines n’ont pas été trente ans, comme la maison de Bourbon, séparées par les orages d’un sol où tout s’est renouvelé sans elles et contre elles. Les princes ont soutenu avec leurs peuples le poids des mauvais jours et de l’oppression étrangère, et l’auguste sang des empereurs, le vieux sang des Zolern ou des princes de la maison de Wittelsbach sera long-temps encore cher et sacré à la Germanie.

La France, placée vis-à-vis de la royauté dans des conditions diffé-

  1. « La Convention et Bonaparte se sont successivement placés en dehors de l’ordre européen : ils ont voulu fonder un nouveau droit public et ont dit tour à tour : L’état, c’est moi. Ils attirèrent sur la France la réaction du monde. La révolution de juillet a profité des enseignemens de l’histoire ; bornant ses effets à une existence intérieure, elle a respecté le statu quo territorial. Si la révolution de juillet avait pris un autre caractère, c’en était fait de l’existence de la Belgique. La nationalité belge n’est pas une de ces idées larges qui rentrent dans ces vastes projets de commotions universelles ; c’est une idée étroite, factice peut-être qui se rattache au vieux système de l’équilibre européen ; c’est une idée de juste-milieu. Aussi, pour moi, je n’ai jamais pu comprendre ceux de mes concitoyens qui, partisans de l’indépendance belge, reprochent à la France son rôle pacifique. »

    (M. Nothomb, congrès belge, 31 octobre 1831.)