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clamant ; mais le gouvernement français n’en fut pas moins accusé, avec quelque fondement, d’avoir entretenu des espérances, que les partis sont toujours disposés à prendre pour des encouragemens[1].

Aussi fallut-il bientôt revenir sur la doctrine qu’on avait développée avec fierté ; elle expira sous les commentaires et les interprétations restrictives. Tout novice qu’on était encore en diplomatie, on en vint vite à comprendre que l’intérêt de la sécurité et l’intérêt d’honneur, qui en est inséparable, sont, après tout, la seule règle permanente du droit international, et qu’en cette matière les axiomes finissent d’ordinaire par devenir des embarras, parce que, formulés pour la circonstance, ils restent sans application dans des éventualités différentes.

Ce fut sous l’influence de cette pensée que M. Laffitte déclara, au milieu des complications croissantes de l’Italie, que la guerre était possible, probable ou certaine, selon les limites où s’arrêterait l’intervention étrangère. Il comprit l’absurdité de placer Parme ou Bologne sur la même ligne que Nice ou Chambéry, ainsi que le réclamait l’opinion cosmopolite ; il sentit qu’un gouvernement national devait faire des intérêts de la France la mesure de ses devoirs et de ses sacrifices, et qu’un pouvoir, qui n’avait pas déclaré la guerre à l’univers en foulant aux pieds les conventions qui le régissent, ne pouvait méconnaître les droits spéciaux que donnaient à l’Autriche, ici la proximité de ses possessions, ailleurs la réversibilité stipulée par les traités qui fixent l’état territorial de l’Italie.

La France n’était intéressée dans les affaires de ce pays que par l’obligation de maintenir cet état de choses. Elle ne devait pas plus interdire à l’Autriche d’intervenir à Modène, qu’elle ne devait s’interdire à elle-même d’intervenir à Bruxelles. Elle négocia deux fois avec le cabinet autrichien l’évacuation des légations ; on négocia deux fois avec elle l’évacuation des provinces belges ; l’on resta donc, de part et d’autre, dans les termes des traités, et la parité fut complète.

Peut-être est-il permis d’ajouter que l’expédition d’Anvers fut un coup de génie ; car le génie en politique n’est que l’à-propos dans l’action, tandis que l’expédition d’Ancône s’offre plutôt comme un coup de tête. Ce bris nocturne d’une porte à coups de hache fut moins provoqué par l’urgence des circonstances, que par l’un de ces ressouvenirs de l’empire, qui trop souvent arment encore contre nous les jalouses susceptibilités des peuples. Cet acte d’irritabilité, beaucoup plus que de haute prévoyance, semblait un démenti soudain au système suivi

  1. Manifeste des Romagnols, avant la capitulation d’Ancône. Mars 1831.