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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/384

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non moins remarquable que la lettre de M. de Broglie au canton de Bâle-campagne. Ce discours a été prononcé à l’école normale à l’occasion de la rentrée des élèves et des cours. Il faut aussi admirer la dignité et l’excellence du langage de M. Guizot. M. Guizot a rappelé aux jeunes élèves assemblés autour de lui qu’il avait assisté au berceau de l’école, que l’un des premiers il avait eu l’honneur d’y donner des leçons, et il a loué, avec toute l’autorité que donnent l’expérience et le savoir, cette perpétuité dans la pensée et dans la conduite, qui fait la force et la prospérité des institutions, — et des hommes, aurait pu ajouter M. Guizot.

M. le ministre de l’instruction publique a insisté particulièrement sur un point : il a fait remarquer à tous les jeunes gens qui travaillent à se mettre en état de briller dans les lettres et d’ajouter aux connaissances humaines, la décadence réelle dans le langage, dans l’harmonie et la forme des œuvres intellectuelles, qui signale tant d’ouvrages que chaque jour voit paraître. Il règne, a dit spirituellement M. Guizot, je ne sais quelle fécondité d’avortement qui déshonore les lettres et enlève aux esprits leur plus noble plaisir. Cette partie du discours de M. Guizot a produit une impression profonde, et ces tristes exemples qu’il donnait, serviront, nous n’en doutons pas, d’encouragement au travail et à la persévérance, parmi les jeunes élèves qu’il avertissait si paternellement du danger de la littérature facile. Ces paroles resteront dans leur souvenir, et plus d’un ouvrage avorté aura été déchiré en secret à l’issue de cette séance : belle leçon de morale, dite en beau langage par un homme qui ne le dément pas, mais, hélas ! aussi, le résultat ne sera pas plus heureux que le résultat de la belle et éloquente note de M. le duc de Broglie. Hélas ! encore disons-nous, car ce discours avait un autre but que l’amélioration des études normales ; il avait été composé pour l’installation de M. Cousin, qui a enlevé lestement et sourdement, à sa manière, la lucrative direction de l’école ! — La direction supérieure, la surveillance si dévouée et si habile qu’exerçait M. Cousin sur les destinées et les affaires de l’école, a dit M. Guizot, deviendront plus assidues et plus rapprochées. — En d’autres termes, M. Cousin aura un gros traitement de plus et un beau logement de plus qu’il n’avait avant le discours de M. le ministre de l’instruction publique. M. Cousin s’est glissé à pas de loup, à la faveur de la morale de M. Guizot, à une excellente et paisible sinécure ; car M. Viguier, nommé sous-directeur de l’école normale, en remplacement de M. Guigniault, sera chargé de tout le fardeau de cette direction difficile. M. Viguier mènera la vie de l’école qui continuera pour lui de plus en plus