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REVUE. — CHRONIQUE.

active et énergique, pour nous servir de l’expression de M. Guizot, tandis que M. Cousin, déjà suppléé dans son cours, sera encore suppléé à l’école normale, rétribué doublement, triplement, là et ailleurs, et mènera la vie du monde et de l’intrigue politique où brille ce simple et vertueux philosophe. — Quelles notes bien conçues, quelles lettres élégantes, que de belles paroles, que de beau langage, dépensés mal à propos, depuis quinze jours, par M. de Broglie et M. Guizot !

L’activité de ces deux chefs du ministère, qui en constituent à eux seuls la pensée, se porte de tous les côtés à la fois, quelquefois inefficace, il est vrai, d’autres fois déjouée par les circonstances, mais ne se rebutant jamais, et tendant toujours à un but où elle finira peut-être par arriver. Ce qu’on pourrait désigner le conseil supérieur du cabinet, qui se compose de ces deux ministres que nous venons de nommer, et d’une troisième personne dont on nous permettra de ne pas parler, se félicite beaucoup de la tournure que prennent les affaires extérieures. On se regarde comme assuré de l’appui et de l’amitié de l’empereur Nicolas, et M. de Pahlen confirme, par ses paroles, toutes les espérances qu’on a conçues. M. de Pahlen n’a d’autre mission, dit-il à ses intimes, que de donner des fêtes, de se rendre agréable au château, d’égayer Paris, et d’y populariser un peu le nom de Russe. Les gentilshommes russes, à qui l’on défendait de résider en France, y reparaissent peu à peu ; le prince impérial lui-même est attendu à Paris ; et l’on compte beaucoup sur l’esprit souple et fin de M. de Barante pour achever le rapprochement de l’autocrate des Russies et du gouvernement de juillet. Un petit fait, que nous tenons de bonne source, aidera peut-être, entre autres faits plus importans, à expliquer la cause des dispositions de l’empereur Nicolas.

Lors du passage de l’empereur Nicolas à Prague, M. de F*** lui fut envoyé de la part de Charles x, pour le complimenter au nom de ce prince et de la famille royale. L’empereur reçut M. de F*** avec bienveillance, et le chargea de témoigner au vieux roi combien il regrettait de n’avoir pu l’aller voir lui-même à sa résidence de Butschierad ; mais il était arrivé dans la matinée à Prague, et il devait en repartir le soir même. Il adressa de nombreuses questions à M. de F*** sur chacun des princes exilés : « Et Henri v ? lui dit-il ; donnez-moi des nouvelles de Henri v ?

— Sire, répondit M. de F***, monseigneur le duc de Bordeaux…

— Je ne vous parle pas du duc de Bordeaux, reprit vivement Nicolas, mais de Henri v ; comment se porte-t-il ? où en est son éducation ? J’ai entendu dire qu’il était assez mal entouré, qu’on avait éloigné de