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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/415

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INDUSTRIE ET COMMERCE DE LA BRETAGNE.

Un frémissement d’effroi parcourut le corps du jeune Breton : il reprit néanmoins en tremblant :

« Ma mère, oh ! dites-moi pourquoi les cloches sonnent ; ma mère, oh ! dites-moi pourquoi j’entends le bruit des marteaux dans la maison voisine ; ma mère, oh ! dites moi pourquoi les prêtres chantent dans la rue ? »

La voix reprit aussitôt :

— « Mon fils, c’est que les cloches sonnent pour le repos d’une âme ; mon fils, c’est que l’on cloue une châsse dans la maison voisine ; mon fils, c’est que les prêtres portent en terre votre fiancée. »

Ici le chant s’éteignit, les cloches tintèrent encore un instant au loin, puis tout se tut. Pierre était resté à genoux près de la fenêtre, presque évanoui.

Il n’en pouvait douter, ce qu’il venait d’entendre était un avertissement ainsi que Dieu en envoyait souvent à ceux de la Bretagne. C’était un intersigne ! Il ne pouvait résister à cet appel sans commettre un sacrilége. Une voix était venue de son pays pour lui rappeler ses promesses et lui dire d’y retourner. En vain le souvenir de Fanny, la noce déjà préparée, se dressèrent devant lui comme des obstacles invincibles ; il entendait toujours le retentissement de ces cloches et de cette voix ; ces cloches et cette voix l’appelaient ; il fallait partir.

Après une nuit de délire, de larmes et de combats intérieurs, il écrivit à maître Smith une longue lettre dans laquelle il lui racontait sincèrement toute son histoire. Il lui disait comment une erreur l’avait rendu le fiancé de miss Fanny, lui parlait de l’avertissement qu’il avait reçu de Dieu et lui annonçait sa résolution de quitter Dublin. Il envoya sa lettre et attendit avec anxiété la réponse.

Le soir, il reçut un paquet renfermant une somme plus forte que celle que lui devait l’horloger, avec un billet qui contenait seulement ces mots :

You might be speaking sooner. Your silentness has made us all unhappy for a long time ; but it must be so. There is a letter for a fellow-member from Edinburg. A workman shall be gaining at home sufficiently to live with a woman[1].

Une lettre de recommandation pour un horloger d’Édimbourg était effectivement jointe au paquet.

  1. Vous auriez dû parler plus tôt. Votre silence nous a tous rendus malheureux pour long-temps ; mais cela doit être ainsi. Voici une lettre pour un confrère d’Édimbourg : un ouvrier gagnera chez lui assez pour vivre avec une femme.