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LETTRES SUR LA SICILE.

pied du trône, et le souverain, privé des documens propres à l’éclairer sur ce qui se passe en Sicile, ne détruit point les abus ; la misère se perpétue dans le royaume avec l’oppression ; par la plus étrange des contradictions et le plus faux des calculs, on vexe la nation pour y maintenir une tranquillité forcée, on ne cesse de l’appauvrir, tout en voulant continuer à en tirer de gros revenus. La plupart des emplois administratifs sont distribués sans entente à des Siciliens aveuglément dévoués au déplorable système actuellement en vigueur, dépourvus des connaissances nécessaires aux fonctions dont ils sont revêtus, et qui se bornent à suivre machinalement la routine indiquée par leurs prédécesseurs. Les projets de mesures proposés au gouvernement pour opérer de salutaires changemens, avortent d’habitude par la mauvaise volonté de quelques employés obscurs.

L’élévation de l’impôt est maintenant la plaie principale de la Sicile. Le décret de Caserte, du 11 décembre 1816, a fixé le budget de ce pays à une somme de 1,847,687 onces 20 tharins[1]. Le parlement avait porté à ce taux les contributions, pour l’année 1815, lorsque l’île s’imposa des sacrifices pour soutenir le trône chancelant de ses rois. Alors, d’ailleurs, l’occupation du royaume par les armées anglaises, auxquelles le reste de l’Europe était fermé, avait répandu du numéraire dans le pays, et donné une bien plus grande valeur aux produits de la terre. Les circonstances ne sont plus les mêmes, et ces impôts, disproportionnés avec les ressources actuelles du pays, ont eu pour conséquences la pauvreté et la ruine du peuple.

La première condition pour que la Sicile pût prospérer serait donc aujourd’hui la diminution des impôts ; plus tard, au contraire, lorsque le pays aurait été relevé, l’agriculture améliorée, le commerce étendu et l’industrie acclimatée, il serait facile de les élever. — Il est impossible de déterminer à l’avance le taux qu’ils pourraient atteindre, mais certainement ils produiraient plus pour le trésor, et en même temps le peuple serait infiniment plus riche qu’il ne l’est. Je dois ajouter, d’ailleurs, qu’il se commet de très grands abus dans leur perception ; des personnes très dignes de foi

  1. L’once équivaut à 13 fr. 50 cent. de notre monnaie.