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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

binaison ? Si cet obstacle se produisit à la suite des conférences, à quoi l’attribuer, si ce n’est à la prééminence donnée à la question saxonne sur celle de Pologne ? En se refusant à faire à la Prusse une concession qui eût assuré son repos et délivré la France d’un dangereux voisinage ; en invoquant les principes dans une seule occasion, quand on les foulait aux pieds dans toutes les autres, en faisant de la conservation d’un lambeau du royaume de Saxe une affaire d’honneur pour la France, on se mettait dans l’impossibilité de reporter sur une pensée incomparablement plus haute les vues si incertaines de l’Autriche et de l’Angleterre ; on renonçait à obtenir de la Prusse des concessions à cet intérêt vraiment européen.

On sait quelles généreuses pensées fermentaient dans le cœur d’Alexandre. Pour ce prince, qui aspirait à former un perpétuel contraste avec Bonaparte, et à se faire appeler, lui aussi, le Napoléon de la paix, le titre de restaurateur de la Pologne était celui qui devait flatter le plus son orgueil et ses espérances. Il est constant que la question du rétablissement intégral de la Pologne avait été agitée à Paris ; Alexandre y était alors très favorable. Son vœu était de poser de ses propres mains la couronne des Jagellons sur la tête d’un prince allié de sa maison ; il avait d’abord songé au duc d’Oldenbourg, puis à Constantin, son frère, et s’il dut modifier ses résolutions généreuses, et restreindre ses premiers projets dans la limite de cette sémi-indépendance, combinaison de la même force que la conservation de ce petit territoire décoré du nom de royaume de Saxe ; s’il ne suivit pas à Vienne ses vues premières, ce changement ne s’explique-t-il pas par les dispositions du congrès, et la profonde indifférence des gouvernemens le plus immédiatement intéressés dans ce grand acte ?

Personne ne l’ignore : le seul moyen de relever la Pologne en 1815 eût été de faire de la Saxe royale et de divers autres territoires vacans un objet de compensation pour le grand-duché de Posen, sauf à distraire, dans la division de la Saxe, quelques parties au profit de l’Autriche, telles que les Lusaces, ancien fief impérial, important pour couvrir la Bohême. On pouvait aussi former un royaume autrement important que celui dont Dresde est restée la capitale, ayant le grand-duché de Varsovie pour noyau, et pour annexe tout ou partie du duché de Posen, quelques provinces polonaises détachées de l’Autriche, et peut-être de la Russie.

Dans la disposition d’esprit où fut primitivement Alexandre, une influence heureuse eût pu s’exercer sur lui ; il eût acheté par bien des sacrifices la reconnaissance d’une dynastie russe sur le trône relevé par