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REVUE DES DEUX MONDES.

Hongrie, menacer Vienne, et faire trembler l’Europe devant l’éclat de son croissant.


L’Ystoire de li Normant, et la Chronique de Robert Viscart, par Aimé, moine du Mont-Cassin ; publiées pour la première fois, d’après un manuscrit français inédit du xiiie siècle, appartenant à la Bibliothèque royale, pour la Société de l’histoire de France, par M. Champollion-Figeac[1].

Rien de plus célèbre dans l’histoire du moyen-âge que l’établissement des Normands en Italie, ou, pour parler le langage des historiens du dernier siècle, que la conquête de Naples et de la Sicile par des gentilshommes normands. Ces gentilshommes, comme Voltaire les appelle dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, étaient tout simplement les descendans des pirates de Hastings, qui, assez semblables encore à leurs pères, continuaient au loin leurs expéditions vagabondes ; et quant au royaume de Naples et de Sicile, ces Normands ne le conquirent pas seulement, ils le fondèrent.

Avant leur arrivée, en effet, ce qu’on a appelé depuis le royaume de Naples était le pays le plus morcelé et le plus malheureux du monde. C’était nominalement une dépendance de l’empire grec ; mais c’était réellement la proie d’une foule de despotes. L’Italie d’aujourd’hui est une bien faible image de cette anarchie générale, où luttaient les uns contre les autres des empires, des villes, des châteaux-forts : ici l’empereur grec, représenté par son gouverneur, le Katapan ; ailleurs, des princes indépendans, comme le prince de Capoue, le duc de Bénévent ; plus loin, comme à Salerne, des seigneurs coalisés pour tyranniser en commun une ville et son territoire ; ailleurs encore des espèces de petites républiques, comme Gaëte et Naples, cette future capitale plus ressemblante alors à un village de pêcheurs au bord de la mer qu’à la splendide cité du Vésuve. Cependant, au nord, l’empire d’Allemagne, ce lourd tyran de l’Italie, prétendait disputer tout ce territoire à l’empire grec, à titre de succession des Césars d’Occident ; et enfin les Sarrasins, abrités comme des vautours dans leurs vaisseaux ou dans quelques châteaux fortifiés sur la côte, venaient piller indifféremment tous ces chrétiens. Les peuples ne savaient à qui ils appartenaient, ni s’ils étaient de la communion romaine, de la grecque, ou mahométans. Épuisée, comme un champ qui a trop produit, la terre natale

  1. Paris,1835, 1 vol. in-8o, librairie de Jules Renouard, rue de Tournon, 6.