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d’or, et ensi les clamèrent qu’il deussent venir à la terre qui mène lac et miel et tant belles coses. Et que ceste cosez fussent voires, cestui Normant veincéor lor testificarent en Normendie. »

Les commencemens de Robert Viscart sont fort intéressans. Il était le sixième fils de Tancrède de Hauteville ; ses frères aînés étaient déjà établis dans la Pouille, lorsqu’il vint à son tour chercher fortune en Italie. Il fut d’abord assez mal reçu ; il était sorti d’un second mariage, ses frères du premier lit le repoussèrent : Enfin, Humphroy, pour se débarrasser de lui, le conduit à l’extrémité de la Calabre, avise un mont moult fort, y construit un petit château, appelle ce lieu la Roche-Saint-Martin, le donne à Robert, et lo mit en possession de toute la Calabre, et puiz s’en parti, et s’en torna en sa terre. Il ne restait à Robert, pour vivre et jouir de cet empire qu’on lui avait donné si libéralement, qu’à se faire brigand. Ainsi fit-il :

« Robert regarda et vit terre moult large, et riches citez, et villes espessez, et les champs pleins de moult de bestes. Et regarda en loing tant coment pot regarder, et pensa que faisoit lo poure, prist voie de larron, chevalier sont petit, poureté est de la cose de vivre, li faillirent les deniers à la bourse. Et come ce fust cose que toutes choses lui failloient, fors tant solement qu’il avoit abundance de char ; comment li filz de Israël vesquirent en lo désert, ensi vivoit Robert en lo mont ; ceaux menjoient la char à mesure, cestui se o une savour toutes manières de char ; et lo boire d’estui Robert estoit l’aigue de la pure fontainne.

« Et puiz torna Robert à son frère, et lui dist sa poureté ; et cellui dist de sa bouche moustra par la face, quar estoit moult maicre. Mès voulta Robert la face, et voutèrent la face tuit cil de cil de la maison. Et retorna Robert à la roche soe, et aloit par les lieuz où il créoit trover de lo pain. Et coment lui plaisoit prenoit proie continuelment, et toutes les chozes qu’il avoit faites absconsement, maintenant fist manifestement. Et prenoit li buef por arer, et li jument qui faisoient bons polistre, gras pors .x., et peccoires .xxx. ; et de toutes ces coses non pooit avoir senon .xxx. besant, et autresi prenoit Robert li home liquel se rachatarent de pain et de vin ; et toutes voies de toutes cestes coses non se sacioit Robert.

« En une cité qui lui estoit après, laquelle se clamoit Visimane, riche d’or et de bestes, et de dras preciouz, habitoit Pierre fil de Tyre. Robert fist covenance auvec cestui, lo prist pour père, et Pierre l’avoit pris pour filz, et se covenirent pour parler ensemble. Peire et sa gent se mist en lieu sécur, et Robert et sa gent vont alant par li camp, et