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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/614

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rellement en relation avec ces victimes de la tyrannie ; il vécut dans l’intimité de plusieurs d’entre eux, et, jeune, eut un culte non-seulement pour leur cause qui était la nôtre, mais pour leur patrie. Qui peindra jamais les amères tristesses de l’exil et ce grand découragement qui saisit l’ame lorsque la patrie nous manque ! Il est doux à un exilé de rencontrer des amis sur la terre étrangère ; mais peut-être lui est-il plus doux encore de trouver des étrangers qui connaissent et qui aiment sa patrie. Alors seulement s’établit cette communication des ames qui soulage les plus grandes douleurs. Si vous n’aimez pas mon pays, si vous ne le connaissez pas, quel rapport intime et profond peut-il exister entre nous, quand vous ignorez les sources où j’ai puisé ma vie ? Ce n’est pas seulement de la communion par le langage qu’il faut entendre cette belle plainte échappée à Ovide dans l’exil :

Barbarus hic ego sum quia non intelligor illis.

Les exilés de l’Espagne rencontrèrent dans M. Viardot un Français qui savait sympathiser avec leurs sentimens nationaux, un juge équitable de leur mérite et de leur souffrance, pénétré comme eux d’admiration pour la gloire de leur pays, et faisant comme eux des vœux ardens pour sa délivrance et sa résurrection. Les plus distingués d’entre eux eurent en lui un disciple qui parlait parfaitement leur langue, qui se plaisait comme eux à leur littérature, qui s’enquérait curieusement de tous les détails de leur histoire. Et toute cette science qu’il acquérait auprès d’eux, il était évident qu’il s’en servirait un jour pour nous faire connaître l’Espagne. Ainsi, dans leur exil, ils voyaient déjà celui qui populariserait en France les souvenirs de leur pays.

Tout ce que M. Viardot avait promis à l’infortune de l’Espagne, il l’a fidèlement tenu. Il a déjà écrit sur ce pays trois ouvrages qui se font suite et se prêtent une lumière mutuelle : un Essai sur l’histoire des Arabes et des Mores d’Espagne, une peinture de l’Espagne au xe siècle, et le livre que nous annonçons. On sait qu’il entreprend aujourd’hui une nouvelle tâche : il veut donner à la France une véritable traduction du plus beau livre qu’ait produit l’Espagne, d’un des plus riches et des plus parfaits chefs-d’œuvre de l’esprit humain, le roman ou plutôt, comme l’appelle Schlegel, le poème de Cervantès.

Les Études sur l’Espagne sont divisées en quatre parties : l’histoire des assemblées nationales, l’histoire de la littérature, l’histoire du théâtre, et enfin, l’histoire des beaux-arts.