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REVUE DES DEUX MONDES.


…… Sans m’enfler de gloire,
Du détail de cette victoire,
Je puis parler savamment.
La rivière est comme là,
Ici nos gens se campèrent,
Et l’espace que voilà,
Nos ennemis l’occupèrent.
Sur un haut vers cet endroit
Était leur infanterie ;
Et plus bas, du côté droit.
Était la cavalerie, etc.


Je ne cite pas le monologue stratégique de Sosie pour diminuer le mérite des récits de bataille de M. Thiers. Sans doute un historien de la révolution ne pouvait se dispenser de rapporter ces prodigieuses et immortelles campagnes dont la gloire est sans mélange, et qui se firent sur nos frontières, sur le Rhin, en Italie et en Allemagne. Pour un homme qui n’a jamais vu la fumée d’un camp ennemi, M. Thiers a fait le tableau de ces guerres avec un talent qui n’appartient qu’à lui ; mais j’ai voulu bien constater que ses yeux sont toujours plus frappés du fait matériel que du fait moral, et que les évènemens, comme les hommes, sont pour lui des objets de froide dissection, d’attention passagère, tandis que, sous le regard de l’homme d’état véritable et de l’historien qui mérite ce nom, ils viennent se ranger comme les chaînons d’un cycle éternel, dont l’ensemble les mène à la contemplation des plus hautes vérités.

Je ne sais si M. Thiers se souvient des pages qu’il a écrites dans sa jeunesse, sur Robespierre et sa courte, mais décisive domination. M. Thiers et M. Mignet sont les premiers écrivains de cette époque qui aient osé montrer Robespierre sous son véritable jour. Seulement M. Thiers a été plus loin que son ami. À mesure qu’il retraçait les batailles de la révolution, qu’il se livrait à l’énumération des armées ennemies qui assaillaient notre territoire, des provinces qui se révoltaient dans l’intérieur de la France, plus il se pénétrait de toute l’horreur de notre situation ; plus ses études de chaque jour faisaient apparaître à ses yeux les funestes effets de la disette, de la misère et de la détresse publique, de la confusion des idées, de l’acharnement sanguinaire avec lequel les partis se