Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/709

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
703
L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

il avait pour meneurs quelques moines furieux, quelques absolutistes acharnés, et, comme tous les partis, des ambitions personnelles qui, éloignées des affaires, aspiraient à en partager les bénéfices. Ces derniers n’étaient pas les moins ardens. Ce parti que nous appellerons apostolique, faute de lui trouver un autre nom, traitait Ferdinand de révolutionnaire ; n’avait-il pas accepté la constitution de 1812 ? ne l’avait-il pas jurée encore en 1820 ? Il est vrai qu’il l’avait violée, et que, prince parjure, il avait effacé son serment avec le sang de Riego ; mais le crime n’en avait pas été moins commis, et les moines ne pardonnent pas. Ils craignaient pour l’avenir des tergiversations nouvelles, et il faut dire que la faiblesse de Ferdinand légitimait leurs appréhensions.

Le parti avait besoin d’un nom, et il avait choisi pour chef suprême et pour drapeau l’infant don Carlos. Si dévot que fût ce prince, il n’était pas sans ambition, et la gloriole du trône l’eut bientôt enivré. Il avait déjà prêté son nom à plusieurs conspirations dirigées contre son frère, celle entre autres de 1827 qui eut une si sanglante issue ; s’il ne donnait pas précisément son nom aux factieux, il le laissait prendre, ce qui est la même chose ; seulement c’est un peu moins brave[1]. Il n’aurait pas tiré l’épée, mais Caïn résigné d’avance, il eût bien volontiers laissé l’épée des autres lui frayer les voies du trône, et, la route faite, il eût daigné y monter, même sur le cadavre de son frère. C’était pécher par excès d’impatience, car Ferdinand n’ayant pas d’enfant, la couronne était réversible à don Carlos, son héritier légitime ; mais les

  1. C’est à ces intrigues monacales en faveur de don Carlos que se rapporte l’entreprise de Bessières en 1825. Bessières était un déserteur de Montpellier ; réfugié à Barcelone, il fut d’abord domestique, puis soldat dans l’armée française, qu’il déserta pour passer à l’ennemi. À la paix, il se fit ouvrier teinturier ; au retour du régime constitutionnel, il se fit démagogue, et son exaltation factice le rendit suspect au parti libéral. Il conspira, fut arrêté, condamné à mort. Mené au supplice, il allait monter à l’échafaud lorsque le peuple demanda sa grâce et le sauva. La peine fut commuée en un simple bannissement. Il se retira à Perpignan. Lors de l’invasion de 1823, il repassa en Espagne, et cette fois il se fit apostolique. La régence d’Urgel lui donna le brevet de colonel ; Ferdinand vii le combla d’honneurs et l’appela au premier commandement du royaume. Bessières lui témoigna sa reconnaissance en conspirant contre lui au profit de son frère. Il