Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/712

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
706
REVUE DES DEUX MONDES.

par conséquent en vertu de ce mariage que la maison de France succéda, quarante ans plus tard, à la maison d’Autriche sur le trône des Espagnes ; ce fut en vertu d’un testament, arraché à Charles ii par des moyens plus ou moins légitimes, mais qui sauva l’Espagne du démembrement arrêté d’avance au congrès de Ryswick.

Un des premiers actes du petit-fils de Louis xiv, monté au trône d’Espagne sous le nom de Philippe v, fut de substituer le droit salique des Bourbons à l’ancienne succession castillane de sa nouvelle patrie. Ainsi ce qu’un Bourbon avait défait, un Bourbon avait bien le droit de le refaire, et rien n’empêchait Ferdinand vii de relever l’édifice démoli par son trisaïeul Philippe v[1].

On objectera peut-être que, fidèle, au moins quant aux formes, à l’ancienne constitution espagnole, Philippe v fit sanctionner par les Cortès de 1713 son nouveau droit de succession. Mais ces Cortès de 1713 étaient une dérision. On sait ce que les assemblées nationales étaient devenues depuis Charles-Quint. Instrument docile dans la main du roi, ce fantôme imposteur n’était plus évoqué de sa tombe que pour venir prêter au despotisme l’autorité corruptrice d’une légalité mensongère. Les élections étaient devenues un pur trafic ; la charge de député, procuradore a cortes, était une bonne place qu’on achetait, souvent pour la revendre, et quand on la gardait pour soi, c’était afin de s’indemniser de ses avances en mordant à l’impur gâteau dont les rois payaient une servilité mise à l’encan. Descendue à ce point de dégradation, la représentation, dite nationale, n’était plus qu’un greffe où l’on enregistrait en silence, et sans contrôle, tous les actes de la volonté royale ; encore la volonté royale ne prenait-elle pas toujours la peine de réunir ces commodes greffiers ; si accommodans qu’ils fussent, on se dispensait de leur présence ; on

  1. Encore faut-il remarquer que Philippe v n’institua pas la loi salique pure ; sa pragmatique n’excluait point les femmes d’une manière absolue ; les mâles, quelle que fût leur distance, leur étaient bien préférés, mais les mâles manquant dans la famille royale, les femmes étaient appelées au trône. Ainsi, supposons que les trois infans don Carlos, don Francisco et don Sébastien n’existassent ni eux ni leurs enfans, la petite Isabelle serait reine légitime. En vertu même de la pragmatique de 1713.