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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/732

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REVUE DES DEUX MONDES.

Afin que rien n’y manquât, et aussi pour donner à la pragmatique une sanction légale et un commencement d’exécution, il appela les cortès du royaume à prêter serment de fidélité à la petite reine Isabelle, en qualité d’héritière présomptive et de prince ou princesse des Asturies ; on sait qu’en Espagne le titre de prince des Asturies appartient de droit à l’héritier de la couronne. Le décret de convocation est du 7 avril.

À cette occasion, Ferdinand écrivit à don Carlos une lettre assez habilement rédigée, où il le laissait libre de prendre ou non part à la cérémonie, ne voulant pas, disait-il, forcer les inclinations de son frère chéri. C’était du persiflage ; don Carlos y répondit par une protestation publique, dans laquelle il déclarait nulle et illégale la pragmatique sanction, refusant en conséquence de reconnaître pour reine future la fille de Christine, et se réservant pour lui et ses descendans l’intégrité inviolable de ses droits héréditaires. L’heure approchait où cette protestation, grosse de tant d’orages, allait se traduire en révolte et en guerre civile ; mais pour le moment on s’en tint à ce pacifique échange de phrases plus ou moins fraternelles.

Les cortès convoquées par M. Zéa n’étaient, on le devine bien, ni les cortès de 1812, ni celles de 1820 ; c’étaient ce qu’on appelle en Espagne les cortès par états, las cortes por estamentos, espèce d’états-généraux composés de la grandesse, du haut clergé, et d’une ombre de tiers-état, estado llano, représenté par les députés des trente-sept villes du royaume qui seules avaient droit de vote, voto a cortes, selon l’ancienne formule. Nous nous sommes expliqués plus haut sur cette représentation fallacieuse ; nous n’y reviendrons pas, pour éviter de tomber en d’inutiles répétitions. Qu’il nous suffise de dire qu’il en était de ces cortès écourtées de 1833, comme de toutes celles des xvie, xviie et xviiie siècles. Il était d’usage de les réunir même sous les princes les plus absolus et les plus jaloux de leur autocratie, soit aux couronnemens, soit, comme ici, pour prêter serment de fidélité au prince des Asturies. C’est ce qu’on appelle en Espagne la cérémonie du serment, la Jura ; mais ce n’était là qu’une formalité vaine, observée encore par un reste de pudeur ou plutôt d’habitude, et qui ne supposait pas plus le droit antérieur du peuple, qu’elle