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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

n’admettait son intervention réelle. Le roi disait à l’assemblée : « Il faut que cela soit ! » ; le servile écho répétait : « Soit ! » Sur quoi, on se séparait, et tout était dit.

La dernière de ces ridicules parades avait eu lieu en 1789, lors du couronnement de Charles iv ; ainsi les cortès espagnoles s’assemblaient en même temps que les états-généraux de France, mais quelle différence d’attributions ! Les cortès n’étaient là que pour poser la couronne sur la tête d’un prince faible et trompé ; les états-généraux portaient dans leurs entrailles la réforme du monde et la Convention. C’est qu’alors l’initiative humaine appartenait à la France ; nul autre peuple n’avait été jugé digne encore de cette haute faveur des destins. Cependant, telle était déjà la force des doctrines démocratiques, qu’elles s’étaient infiltrées jusque dans le sein des cortès ; elles osèrent, quelle audace ! non pas demander, on n’en était pas encore là de l’autre côté des Pyrénées, mais espérer des réformes. À la cinquième séance, on mit l’assemblée à la porte. « On accusa même la cour d’avoir fait empoisonner l’un des députés de Burgos, le marquis de Casa-Barrio, qui avait excité, parmi ses collègues, ces velléités révolutionnaires, et qui semblait ambitionner le rôle de Mirabeau[1]. »

Telles étaient les cortès convoquées par M. Zéa. Il eût été éminemment plus politique de saisir cette occasion pour en convoquer de vraiment nationales, d’autant plus qu’on pouvait le faire sans danger, étant assuré d’avance et de leur adhésion à la pragmatique et de leur fidélité à la petite reine. Mais c’étaient des prémisses dont on redoutait les conséquences, et M. Zéa était dès lors si hostile à toute idée d’institutions politiques, qu’il n’en voulait entendre parler sous aucun prétexte ; et certes, ce n’était pas le double parjure de 1814 et de 1823, ce n’était pas Ferdinand vii qui était homme à lui forcer la main.

La Jura était fixée au 20 juin ; le 20 juin arriva. La cérémonie

  1. Nous copions cette phrase dans les Études de M. Viardot, l’un des hommes de France qui connaît le mieux l’Espagne ; son nom fait autorité sur la matière. Nous lui avons une double obligation : d’abord de nous avoir donné un bon livre, puis d’avoir provoqué l’excellente analyse insérée par M. Pierre Leroux dans le précédent numéro de la Revue.