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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/765

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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

cours de médecine, celui, par exemple, qu’il faisait à l’hôpital Saint-George, furent généralement peu suivis. On a dit, pour l’expliquer, que ses leçons étaient trop pleines, trop substantielles ; qu’elles dépassaient la portée des intelligences vulgaires ! Ne pourrait-on pas plutôt attribuer ce défaut de succès à la franchise peu commune que Young mettait à signaler les difficultés inextricables qui se rencontrent à chaque pas dans l’étude des nombreux désordres de notre frêle machine.

Pense-t-on qu’à Paris, qu’à une époque surtout où chacun veut arriver au but vite et sans fatigue, un professeur de faculté conservât beaucoup d’auditeurs, s’il débutait par ces paroles que j’emprunte textuellement au docteur Young :

« Aucune étude n’est aussi compliquée que celle de la médecine. Elle surpasse les bornes de l’intelligence humaine. Les médecins qui se précipitent en avant, sans essayer de comprendre ce qu’ils voient, sont souvent aussi avancés que ceux qui se livrent à des généralisations hâtives, appuyées sur des observations à l’égard desquelles toute analogie est en défaut. »

Et si le professeur, continuant sur le même ton, ajoutait : « Dans les loteries de la médecine, les chances du possesseur de dix billets doivent être évidemment supérieures aux chances de celui qui n’en a que cinq. »

Quand ils se croiraient engagés dans une loterie, ceux des auditeurs que la première phrase n’aurait pas mis en fuite seraient-ils disposés à faire de grands efforts pour se procurer le plus de billets, ou, en expliquant la pensée de Young, le plus de connaissances possible ?

Malgré ses connaissances, peut-être même à cause de leur immensité, Young manquait entièrement d’assurance au lit du malade. Alors les fâcheux effets qui pouvaient éventuellement résulter de l’action du médicament le mieux indiqué se présentaient en foule à son esprit, lui semblaient balancer les chances favorables qu’on devait en attendre, et le jetaient dans une indécision, sans doute fort naturelle, mais que le public prend toujours du mauvais côté. La même timidité se reconnaît dans tous les ouvrages de Young qui traitent de la médecine. Cet homme, si éminemment remarquable par la hardiesse de ses aperçus scientifiques, ne donne plus alors que de simples catalogues de faits. À peine semble-t-il convaincu de la bonté de sa thèse, soit quand il s’attaque au célèbre docteur Radcliffe, dont tout le secret, dans la pratique la plus brillante et la plus heureuse, avait été, comme il le déclarait lui-même, d’employer les remèdes à contre-sens ; soit lorsqu’il combat le docteur Brown, qui s’était trouvé, disait-il, dans la dés-