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REVUE DES DEUX MONDES.

Le Tasse célèbre Camoëns encore presque ignoré, et lui sert de Renommée, en attendant la Messagère aux cent bouches :


Vasco ...........
.............
........ buon Luigi
Tant’ oltre stende il glorioso volo,
Che i tuoi spalmati legni andar men lunge.


« Vasco .............. Camoëns a tant déployé son vol glorieux, que tes vaisseaux spalmés ont été moins loin. »

Est-il rien de plus admirable que cette société d’illustres égaux se révélant les uns aux autres par des signes, se saluant et s’entretenant ensemble dans une langue d’eux seuls connue ?

Mais que pensait Milton des prédictions heureuses faites aux Stuarts à travers le terrible drame du Prince de Danemarck ? L’apologiste du jugement de Charles Ier était à même de prouver à son Shakespeare qu’il s’était trompé ; il pouvait lui dire, en se servant de ces paroles d’Hamlet : l’Angleterre n’a pas encore usé les souliers avec lesquels elle a suivi le corps ! La prophétie a été retranchée : les Stuarts ont disparu d’Hamlet comme du monde[1].

SIÈCLE DE SHAKESPEARE[2].

Le moment de l’apparition d’un grand génie doit être remarqué, afin d’expliquer plusieurs affinités de ce génie, de montrer ce qu’il a reçu du passé, puisé dans le présent, laissé à l’avenir. L’imagination fantasmagorique de notre époque, qui pétrit des personnages avec des nuées ; cette imagination maladive, dédaignant la réalité, s’est engendré un Shakespeare à sa façon : l’enfant du boucher de Stratford est un géant tombé de Pélion et d’Ossa au milieu d’une société sauvage, et dépassant cette société de cent coudées ; que

  1. Des divers biographes français que j’ai consultés, M. Villemain est le seul qui ait consigné ce fait curieux dans ses excellens articles sur Shakespeare.
  2. Entre ce chapitre et le précédent se trouvent ceux relatifs aux drames de Shakespeare, aux caractères de ses personnages, aux imitateurs de Shakespeare, aux deux écoles classique et romantique, etc., etc.