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liens nouveaux ; à mesure que son système de douanes s’agrandirait et s’améliorerait, elle amènerait à elle d’autres états ; et elle aurait au moins un système à opposer à un système ; son rôle ne se bornerait pas à détourner quelques états d’une accession au système prussien, elle aurait elle-même quelques avantages à offrir, en dédommagement des sacrifices qu’elle exigerait ; mais pour exécuter un semblable projet, il faudrait renoncer d’abord à gouverner la France au profit de deux ou trois monopoles, il faudrait avoir la courageuse et honorable volonté de combattre les défenseurs privilégiés de quelques prohibitions, qui dominent le ministère, ou plutôt la partie corrompue du ministère ; il faudrait sacrifier quelques misérables intérêts privés à la grandeur et à la prospérité de la France, et c’est ce qu’on ne fera pas. On aimera mieux subir honteusement les résultats, désastreux pour nous, de l’habileté et des hautes vues du gouvernement prussien, et l’on verra avec apathie se détacher tour à tour tous nos alliés, petits et grands, jetés dans un ordre de choses contraire à nos intérêts, les uns par le peu d’avantages qu’offre notre amitié, les autres par notre insouciance à nous créer des amis. Puis quand on reprochera au ministère d’avoir laissé dépérir les intérêts matériels sur lesquels se fonde tout ce système de gouvernement, le ministère répondra que le gouvernement représentatif ne permet pas l’accomplissement d’entreprises aussi gigantesques. Nous aurions alors bien mauvaise grace à nous élever contre le despotisme !

Le discours du trône fait supposer que le ministère n’a pas le projet de présenter un complément à ses lois de rigueur et d’intimidation pendant cette session, à moins que des circonstances imprévues ne l’y obligent. On renonce aussi à proposer, pendant cette session, la loi de conversion des rentes. On se bornera à formuler une loi sur les attributions municipales et départementales, une loi sur les primes et les loteries, une loi sur l’instruction secondaire, une loi pour régler le mode d’exécution de la loi sur le jury, et enfin une loi sur la garde nationale.

La loi de la garde nationale sera la véritable loi d’intimidation de cette session. Elle est l’ouvrage de quelques officiers de l’état-major de la garde nationale, c’est-à-dire d’hommes qui tirent de la garde nationale tous les avantages sociaux, qui lui doivent une position brillante, une influence souvent fructueuse. Il suffira de dire que la plupart des places de finances ont été données depuis deux ans à la recommandation des personnages dont nous parlons. On nous a fait connaître quelques dispositions de la loi qu’ils élaborent. Si nous sommes bien informés, elles dépassent tout ce que la discipline prussienne ou russe a imaginé de plus despotique et de plus rigoureux. Les recensemens seraient abolis ; tous les citoyens tenus de s’inscrire sur les contrôles, proprio motu. Quiconque s’en