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Cartier, que la mort a frappé dans la prison même. Atteint d’une congestion causée par le manque d’air, les médecins ne purent pénétrer auprès de lui que sur un ordre de l’état-major, et quand l’ordre vint, il était trop tard ! (L’état-major est au Carrousel, et la prison au Jardin-des-Plantes.) Durant les froids rigoureux que nous venons de souffrir, et tandis qu’on chauffait les salles d’asile pour les indigens, les prisonniers de la maison d’arrêt de la garde nationale passaient la nuit dans de vastes dortoirs sans feu, sur des grabats mal abrités. La prison de la garde nationale renfermait en un moment M. A. de Châteaubriand, qui en est sorti à demi mort, M. le prince G. de Montmorency-Rebecque, M. le marquis de Sennevoie, M. le duc de Lachâtre, et un de nos plus spirituels écrivains, tous condamnés durant l’été pendant leur absence. Tous souffraient sans se plaindre, quoique quelques-uns d’entr’eux eussent à subir quinze jours de prison ; ils savaient qu’à l’expiration de leur peine, ils trouveraient tous les soins et tout le repos que leur situation exigera sans doute ; mais de malheureux ouvriers partageaient leur sort, de pauvres gens arrachés à leur famille, à leur travail, et qui trouveront sans doute une semaine de disette et de famine, au bout de cette semaine de douleur et de captivité ! Ce n’est pas là de l’égalité devant la loi, quoi qu’en disent les geôliers de ce bouge ! L’égalité devant la loi consisterait à traiter chrétiennement et avec humanité tous les citoyens, princes ou ouvriers, nobles ou bourgeois ; cette rigueur militaire qui arrache un citoyen à ses habitudes, à ses affaires, et à ses plaisirs aussi, est assez grande pour ne pas y joindre la rigueur du bagne ou du carcere duro. Ajoutons que M. Jacqueminot refusait, par exception, aux amis de M. de Montmorency la permission de le visiter. Or, comme il n’est pas juste qu’il reste un seul privilége en France aux descendans du premier baron chrétien, nous demanderons aussi une réforme de la loi sur la garde nationale, qui détruise un arbitraire révoltant, et assure l’égalité entre les Montmorency et les Jacqueminot.

de la servitude volontaire, par Estienne de La Boëtie (1548), avec une préface de M. F. de La Mennais (1835)[1].

Tel fut le xvie siècle, tel fut La Boëtie ; penseur et érudit, amant de l’antiquité et novateur. Déjà dans les ames ardentes, sous l’influence des souvenirs de Rome et d’Athènes, la république, germe contenu dans la

  1. Librairie de Daubrée et Cailleux, rue du Bouloi.