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SIMON.

députation, et s’il avait fait de grands sacrifices pour racheter son fief, c’était dans l’espoir d’être pair de France un jour, quand le roi daignerait élargir les mailles du filet, et donner de l’élasticité aux institutions. Il lui fallut beaucoup d’habileté pour expliquer à ces hôtes ce que c’était que la république vénitienne, et pour leur prouver que le marquis venait de parler dans le sens aristocratique. Mais toute chose a son bon côté pour le navigateur habile, attentif au moindre souffle du vent. Le comte crut bientôt s’apercevoir d’une différence extraordinaire dans les manières de sa fille, et espérant l’accomplissement d’un miracle dans ses idées, il fit entendre au cousin qu’elle serait un jour aussi riche qu’elle était belle. Sa joie fut grande quand le marquis lui répondit clairement qu’il serait le plus heureux des hommes s’il pouvait fléchir l’obstination avec laquelle sa cousine semblait s’être vouée au célibat, et qu’il suppliait le comte de lui laisser le temps de prouver son dévouement à cette belle insensible. La permission de prolonger son séjour à Fougères lui fut accordée d’autant plus vite, qu’il écouta fort peu attentivement l’énumération des biens du beau-père, ce qui montrait le désintéressement d’un homme vraiment épris, et peu chatouilleux sur la rédaction d’un contrat. Cependant, comme le comte se souvint de l’opiniâtreté avec laquelle Fiamma avait refusé plusieurs propositions de mariage et avec quelle sécheresse elle avait traité, à Paris, tous les jeunes gens qu’elle avait soupçonnés d’avoir des prétentions à sa main, il ne regarda pas encore la partie comme gagnée, et conseilla au marquis de ne pas brusquer sa déclaration.

Les semaines s’écoulèrent donc pour le marquis d’une manière charmante au château de Fougères. De plus en plus amoureux, il conçut beaucoup d’espoir, car Fiamma lui ayant dit, dès le principe, qu’elle ne voulait pas se marier, ne lui reparla plus de ses projets pour l’avenir, et lui témoigna désormais une affection sincère. Dans l’attente du succès, le marquis, un peu impatient, un peu dépité de voir toujours la famille Féline et la famille Parquet s’opposer à de longs tête-à-tête avec sa cousine, mais plein de franchise dans le fond de l’ame et touché de l’amitié qu’on lui témoignait, vécut, pendant ces jours rigoureux de l’hiver, d’une vie chaude et pleine qui faisait diversion à celle du monde. Fiamma lui avait présenté ses amis du village, et elle avait prié ceux-ci