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vieille femme était assise sur son lit et parlait toute seule avec force.

— Oh ! mon Dieu ! voilà comme était ma mère mourante, dit Fiamma d’une voix étouffée en pressant le bras de Parquet. Je n’aurai pas la force de voir cela. Le délire me gagne. Oh ! le secret,… l’heure fatale,… la nuit,… la mort !… Laissez-moi m’enfuir, mes amis !

— Au nom du ciel ! prenez courage, mon enfant, dit M. Parquet. Voici Mme Féline qui vous a reconnue. Elle se calme, elle avance les bras vers vous pour vous saisir. Approchez, surmontez l’horreur de vos souvenirs.

— Oui, vous avez raison, dit Fiamma ; manquer de force ici serait un crime.

Elle s’approcha du lit, et couvrit de baisers la main de Jeanne.

— Oh ! mon enfant, lui dit la vieille femme, pourquoi avez-vous pris cette terrible nuit pour vous marier ? C’est l’anniversaire des funérailles de mon frère le curé, un ange qui est retourné au ciel, et dont il eût fallu respecter la mémoire. C’est un jour de deuil et non pas un jour de fête. Mais Simon était si pressé d’aller à l’église ! Jamais je n’ai pu l’en empêcher ; je l’ai appelé par toute la maison. Il est parti sans moi, sans sa vieille mère, pour une cérémonie comme celle-là ! Vous le rendez fou, ma mignonne. Dites-moi, le curé vous a-t-il encensée ? Vous en êtes digne autant que fille d’Ève peut l’être. Ma Fiamma, ma Ruth bien-aimée, mais où est mon fils ? il est donc resté à l’église ? Oh ! n’entends-je pas le cri de la Duchesse ? Elle chante les funérailles de mon pauvre frère. Vous les avez oubliées, vous autres ; vous avez fait sonner les cloches de la joie, et moi, je pleure…

Elle fondit en larmes comme un enfant ; puis, elle s’endormit au milieu des caresses de Bonne et de Fiamma. Le jeune médecin, amoureux de Bonne, et qu’elle avait fait appeler, arriva, et lui trouva un simple mouvement de fièvre, qui se calmait de moment en moment. Seulement, elle se réveillait parfois pour dire à l’oreille de Fiamma : — Simon est allé à l’église. Pourquoi Simon ne revient-il pas ?

Ces paroles frappèrent Fiamma. Elle commença à concevoir de l’inquiétude pour son jeune ami, et ne partageant pas l’opinion où l’on était que Simon fût retourné à Guéret la veille au soir, elle