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au lever du jour ; il ne serait pas là, autour de moi, depuis le lever de la lune pour me reprocher ma faute, pour me dire : Tu vas faire une infamie ; et cependant j’aimerais mieux souffrir mille morts et me laisser enterrer sous la boue que de remettre les pieds dans la maison où est la fille que j’ai outragée. Dis-moi, Fiamma, connais-tu un moyen pour faire une trahison sans se déshonorer ?

— Simon, calmez-vous, répondit-elle en lui prenant les mains de force, rappelez-vous qui vous êtes et à qui vous parlez. Regardez-moi, — moi ! — vous dis-je ; ne me reconnaissez-vous pas ?

— Oh ! je te reconnais ! dit Simon en tombant à genoux avec une autre expression d’égarement dans les yeux ; tu es l’étoile du matin, toujours blanche, l’étoile des mers, dont aucun nuage ne peut ternir l’éclat ! Tu es tout ce que j’aime, tout ce que j’aimerai sur la terre !

— Simon ! au nom du ciel, revenez à la raison, lui dit-elle. Vos douleurs ne sont pas fondées ; vous n’avez pas outragé vos amis. J’ai là une lettre de Bonne pour vous ; je ne devrais peut-être pas me charger de vous la remettre, mais je vous vois si agité ?…

— Quelle lettre ? que peut-elle m’écrire ? Charge-t-elle son amant de me tuer ? Oh ! à la bonne heure, si je pouvais lui donner ma vie, au lieu de mon cœur qui ne m’appartient pas ?

— Bonne vous rend votre promesse, et s’engage ailleurs ; elle vous aime toujours ; vous êtes toujours, après elle, ce que son père aime le mieux au monde. M’entendez-vous, me comprenez-vous, Simon ?

— Je vous entends, et je ne sais pas si c’est un rêve. Où sommes-nous ? Comment êtes-vous venue ici ? Oh ! certainement je rêve.

Il mit ses deux mains sur son visage et resta abîmé dans une rêverie profonde. Fiamma, ne sachant comment le ramener à la raison et l’arracher à cet état violent qui lui déchirait l’ame, oubliant dans cet état d’agitation toute la réserve de son caractère, et subissant l’effet du délire qu’elle venait de contempler deux fois dans quelques heures, jeta ses bras autour du cou de Simon et fondit en larmes.

— Oh ! mon Dieu ! que vous ai-je fait ? s’écria-t-elle, et pourquoi ne me connaissez-vous plus ? Pourquoi ne m’aimez-vous plus ? Pourquoi m’avez-vous maudite ? Est-ce que vous allez mourir comme ma mère, en m’éloignant de vous, en me criant : Ôte-toi de