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facultés végétales, il en résulte un être essentiellement différent du végétal, et dans lequel toutes les fonctions du végétal sont métamorphosées. Irez-vous, avec le scalpel de votre analyse, séparer cette nouvelle faculté de toutes les autres ; et, parce qu’elle ne préside pas, en première ligne, à toute l’organisation et à toutes les fonctions, quoiqu’elle s’y mêle, direz-vous : Voilà l’animal, tout le reste est plante ? Ce serait absurde. L’animal est un être nouveau, dans lequel la vie végétative s’est transformée ; mais il consiste aussi bien dans cette vie végétative transformée, quoiqu’il n’en ait pas conscience en tant que sensible, que dans la sensibilité même. Je dis qu’il n’en a pas conscience en tant que sensible, mais j’affirme qu’il en a conscience en tant que vivant. Et, en effet, modifiez par la maladie, par le fer ou le poison, cette vie végétative qui est en lui, et aussitôt vous verrez apparaître chez lui des sensations : donc, dans l’ordre régulier et normal, sa faculté même de sentir était non-seulement liée à cette vie végétative, mais fondée sur elle et consciente d’elle d’une certaine façon mystérieuse.

Il en est de même de l’homme. L’homme aujourd’hui est peut-être plus loin de l’animal, que l’animal ne l’est du végétal. Mais l’homme n’est pas un animal sur lequel serait surajouté je ne sais quel être mystérieux qu’on appelle ame. L’homme est une ame assurément ; mais il est en totalité une ame unie à un corps, comme dit Bossuet[1], c’est-à-dire qu’en lui toutes les facultés animales se sont transformées en facultés humaines.

La plante vivait immobile par ses racines ; c’était une de ses propriétés. L’animal se meut pour chercher sa subsistance ; c’est en cela que consiste en partie son être, c’est à cela qu’est en partie consacrée sa vie. La plante respirait par ses feuilles, et sa respiration était assujétie à deux grandes alternatives, le jour et la nuit. L’animal le plus perfectionné, le plus compliqué à nos yeux dans son organisation, reproduit encore ce phénomène : sa vie, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, se révèle par une continuelle systole et diastole du cœur, et par une continuelle insufflation et expiration de l’air dans ses poumons. La respiration et la circulation du sang se mêlent chez lui à la sensibilité, pour lui donner un certain sentiment de l’existence. Sa vie, sous ce rapport, est donc encore la

  1. De la Connaissance de Dieu et de soi-même.