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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/524

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REVUE DES DEUX MONDES.

armée. Manfred offrit cent hommes. Les ambassadeurs étaient sur le point de refuser cette offre, qu’ils regardaient comme dérisoire ; mais Farinata leur écrivit : « Acceptez toujours ; l’important est d’avoir le drapeau de Manfred parmi les nôtres, et quand nous l’aurons, j’irai le planter en tel lieu, qu’il faudra bien qu’il nous envoie un renfort pour l’aller reprendre. »

Cependant l’armée guelfe poursuivit les Gibelins, et vint établir son camp devant la porte de Camoglia, dont la poussière était si douce à Alfieri[1]. Après quelques escarmouches sans conséquence, Farinata ordonna une sortie, fit distribuer aux soldats allemands que lui avait envoyés Manfred[2] les meilleurs vins de la Toscane, et lorsqu’il vit le combat engagé entre les Guelfes et les Gibelins, sous le prétexte de dégager une partie des siens, il se mit à la tête de ces auxiliaires, et leur fit faire une charge tellement profonde, que lui et ses cent hommes se trouvèrent enveloppés par toute l’armée ennemie. Les Allemands se battirent en désespérés ; mais la partie était trop inégale pour que le courage y pût quelque chose. Tous tombèrent ; Farinata seul et par miracle s’ouvrit un chemin, et regagna les siens, couvert du sang de ses ennemis, las de tuer, mais sans blessure.

Son but était atteint. Les cadavres des soldats de Manfred criaient vengeance par toutes leurs blessures ; l’étendard royal envoyé à Florence avait été traîné dans la boue et mis en pièces par la populace. Il y avait affront à la maison de Souabe et tache à l’écusson impérial. Une victoire seule pouvait venger l’un et effacer l’autre. Farinata des Uberti écrivit au roi de Sicile le récit de la bataille ; Manfred lui répondit en lui envoyant deux mille hommes.

Alors le lion se fit renard. Pour attirer les Florentins dans une mauvaise position, Farinata feignit d’avoir à se plaindre des Gibelins. Il écrivit aux Anziani pour leur indiquer un rendez-vous à un quart de lieue de la ville. Douze hommes l’y attendirent ; lui s’y rendit seul. Il leur offrit, s’ils voulaient faire marcher une armée puissante contre Sienne, de leur livrer la porte de San-Vito, dont il avait la garde. Les chefs guelfes ne pouvaient rien décider sans

  1. A Camoglia mi godo il polverone. Sonnet cxii.
  2. Manfred était de la maison de Souabe.