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vierge céleste unit les deux amans dans leur étreinte adultère, inonde leurs cheveux de ses parfums, et tout occupée à cette scène de luxure, veille à la porte de l’alcôve. — Raoul se réveille enfin, il ne fallait rien moins que le hurlement des cloches de la Saint-Barthélemy pour arracher ce gentilhomme aux bras de sa dame. Il s’élance hors de la couche, et tout humide encore des baisers de sa maîtresse, marche l’épée nue au secours de ses frères et au meurtre des catholiques, parmi lesquels se trouvent le marquis de Saint-Bris et le comte de Nevers, qu’il vient d’outrager tous les deux dans l’honneur de Valentine, fille de l’un et femme de l’autre. Or, voilà ce qu’on appelle un martyr de la foi protestante. — L’adagio de ce duo est une des mélodies les plus sensuelles qui se puissent entendre. Cette phrase traînante et molle qui passe incessamment, de la voix à l’orchestre et de l’orchestre à la voix, n’émeut que des sensations voluptueuses. Il semble que M. Meyerbeer aurait pu relever cette situation en la transportant, par quelque phrase mélancolique et sainte, dans la sphère de l’épopée, où rien de commun, rien d’impudique n’est possible. C’était à l’harmonie de couvrir cette nudité sous les plis de son chaste manteau. En outre, cette mélodie dont je parle a le tort de ressembler à l’air du sommeil de la Muette. La strette qui vient après, bien que rapide et véhémente, manque cependant de force originale et de distinction. Le cri de Raoul, lorsqu’il s’arrache aux étreintes convulsives de Valentine, est sublime et part du cœur ; malheureusement, il rappelle l’exclamation douloureuse et puissante que pousse Max dans le Freyschütz au moment où Samiel paraît derrière l’arbre.

Le cinquième acte se compose d’un menuet et d’un trio. Cette coutume nouvelle de diviser les opéras en cinq parties, qui semble avoir pour but de faciliter les développemens lyriques, leur nuit au contraire souverainement. Peu familier avec cette forme inusitée, le musicien ne sait où placer ses finales, et, dans le doute, il s’abstient d’en écrire ; ou si par hasard il en fait un, ce finale occupe à lui seul un acte tout entier. Grace à cette intention des auteurs de livret, qui ont cru devoir introduire la forme de la tragédie dans la musique, sollicités sans doute par leur nature éminemment poétique, on multiplie aujourd’hui les petits airs, les petits chœurs, les chants dialogués ; mais, hélas ! de ces quatuors majestueux et conduits avec lenteur et simplicité, de ces larges finales qui prenaient pour