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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/120

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 mars 1836.


M. Thiers commence à sentir que le double rôle qu’il voulait continuer de jouer, est devenu impossible. Le discours de M. Guizot a mis fin à ces amitiés politiques que M. Thiers comptait bien entretenir avec tout le monde ; M. Guizot a dit en termes assez clairs qu’il n’entendait nullement se défendre d’avoir été dupé par M. Thiers, et en faisant ainsi à M. Thiers une part d’habileté, plus grande peut-être que celui-ci ne l’aurait voulu, il l’a forcé de s’en tenir à ses nouveaux alliés.

Cette réputation d’habileté du nouveau président du conseil fait à présent toute sa force. Personne, même parmi ses partisans, ne voudrait se donner le ridicule de parler de sa fidélité à ses engagemens, de la fixité de ses principes, de son système politique, de la suite et de l’étendue de ses plans ; mais il est habile. C’est le mot qui vient dans toutes les bouches ; on le craint ou l’on s’attache à lui à cause de ce mot unique. Il est habile répond à tout. Que M. Thiers soit donc habile, car le jour où il ne sera pas habile, M. Thiers ne sera plus rien.

M. Thiers a-t-il été bien habile dans les deux dernières discussions de la chambre, au sujet de la réduction de la rente et du vote des fonds secrets ? Nous ne parlerons pas de la discussion financière, où, selon les hommes les plus instruits en matière de finance, M. Thiers a prouvé que ses prétendues études en ce genre avaient bien peu de valeur. Mais M. Thiers, qui avait confié, dit-on, à ses intimes, qu’il comptait fonder le succès de la seconde partie de sa carrière sur le silence, comme il avait fondé sa première fortune politique par la parole, M. Thiers n’a-t-il pas été bien imprudent en annonçant sans nécessité à la chambre, que lui et ses collègues n’avaient qu’un but, qu’ils étaient sûrs de leur avenir, et qu’ils y marcheraient sans s’arrêter ! Et quatre jours après, M. Sauzet montait à la tribune, et prononçait un discours qui est la réfutation complète des deux discours prononcés par M. Thiers, lors de son installation, à la chambre des députés et à la chambre des pairs. Il est vrai que M. Thiers ne prévoyait pas le discours de M. Guizot qui a forcé M. Sauzet