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DU NOUVEAU MINISTÈRE ET DE LA NATION.

êtes un vieux parti, il nous faut du nouveau, et vous n’en avez pas. »

Il s’écriait encore, il y a deux ans : le progrès est avec nous ; et il ne nous disait pas alors ce qu’était le progrès. En 1836, après deux années de réflexions, M. Guizot nous a dit que le progrès était le retour à l’ordre, mais cette fois il ne nous a pas défini l’ordre. Probablement dans deux ans, il nous définira l’ordre par un autre mot dont il se réservera l’explication ultérieure. En vérité, on a mauvaise grace d’accuser ses adversaires de stérilité quand on n’apporte à la tribune et à la France que la fécondité des éditions corrigées de ses premières harangues.

Les différences n’ont pas moins de prix que les ressemblances pour qui veut pénétrer la pensée de cet homme d’état. En 1834, M. Guizot trouvait le parti républicain moins dangereux qu’en 1836 ; à ses yeux, c’était un parti puéril, surtout dans la nuance de l’école américaine. Deux ans après, M. Guizot l’estime plus redoutable ; il travaille, pour ainsi dire, à le relever après l’avoir abattu ; on dirait qu’il a besoin de retrouver et de se reconstruire des adversaires.

Mais voici des différences plus tranchées : en 1834, M. Guizot insultait ouvertement le parti du passé. La faction carliste, disait-il, sera long-temps dans l’attitude qu’elle a prise sous vos yeux d’insolence aristocratique et de cynisme révolutionnaire. Il ajoutait encore : Je ne crois pas, pour mon compte, que jamais cette faction ait offert dans son langage, dans son attitude, un aspect plus immoral, plus répugnant, et j’éprouve un sentiment de dégoût, et je dirais presque d’humiliation, en voyant à quelles paroles peuvent s’abaisser des hommes qui se vantent d’appartenir à la partie la plus élevée de la société. En 1836, quel contraste ! « Le parti carliste, a dit M. Guizot le mois dernier, est un parti qui a de profondes racines dans le passé ; c’est le parti de l’ancienne France avec ce qu’elle avait de bon et de mauvais. Un parti qui vient de si loin, et qui reste toujours semblable à lui-même, ne meurt pas en quelques années, parce qu’il convient de dire qu’il est mort. »

Complétons le contraste. En 1834, l’orateur du parti légitimiste répondait avec virulence à M. Guizot. En 1836, M. Berryer, dans ses belles défenses de la Quotidienne et de la Gazette de France, s’est constamment autorisé du dernier discours de M. Guizot, dont la