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à l’attaque du nouveau ministère, comme elle avait coutume de poursuivre l’ancien. Elle a senti qu’il y avait dans ce changement une amélioration qu’il fallait traiter avec délicatesse. Mais nous aurions désiré qu’elle trouvât un moment opportun pour expliquer sa conduite. Ce soin appartenait naturellement à M. Odilon Barrot : quelle excellente occasion de dévoiler les raisons cachées, mais réelles de la chute de son adversaire le plus obstiné ! M. Barrot devait prévenir l’attaque de M. Guizot, et non pas attendre le moment où il serait obligé de la repousser.

Le chef de l’opposition aura toute la puissance que méritent son caractère et son talent, quand il joindra à sa tenue et à sa gravité une volonté plus ardente, quand il se résoudra plus souvent à prendre l’offensive à propos. Que M. Barrot se souvienne de l’effet salutaire et glorieux produit dans le pays par son beau discours au banquet de Thorigny. Ce coup, frappé avec une mesure vigoureuse, relevait les espérances et la foi publique. On peut conseiller à M. Barrot l’audace et l’initiative, parce que la réserve et la modération lui sont naturelles. Évidemment, il ne doit rien faire aujourd’hui qui empêche l’organisation progressive d’un ministère centre gauche ; mais il doit aussi expliquer au pays pourquoi il considère le nouveau cabinet comme une amélioration qu’il ne veut pas étouffer, pourquoi il s’abstient de l’attaquer, pourquoi même il pourrait l’appuyer au besoin, tout en s’en distinguant par des principes plus démocratiques, par une politique qui attendra de l’avenir ses applications et ses triomphes.

L’opposition, qui ne manque à coup sûr ni de patriotisme ni de talent, a besoin de se pénétrer davantage de l’esprit qui anime la société et des sentimens qui la font mouvoir. Elle doit, de l’enceinte parlementaire, diriger constamment ses regards sur le pays, et puiser dans l’intelligence de la vie nationale sa force et ses inspirations. Or, nous maintenons que le génie progressif et démocratique du siècle n’est point en déroute, et qu’à travers une carrière laborieuse il n’a jamais rétrogradé.

Sans remonter jusqu’au commencement du demi-siècle que compte bientôt la révolution française, où en étions-nous il y a dix ans ? En 1826, nous nous débattions contre un projet de loi aristocratique qui voulait bouleverser le système des successions, et rétablir les substitutions nobiliaires. Tous les principes de la civili-