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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/231

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DE L’ESCLAVAGE
AUX ÉTATS-UNIS.[1]

Quand on consulte les écrits des voyageurs et des missionnaires qui ont fait connaître les anciennes mœurs coloniales, on voit que les gradations de la couleur, par le mélange des races, rapprochaient autrefois le mulâtre des sympathies du blanc, bien loin de l’en éloigner, comme on le remarque aujourd’hui, partout où les planteurs se croient menacés par l’émancipation des noirs. Le mulâtre, en effet, devait obtenir de son père une préférence naturelle sur l’esclave d’origine purement africaine. Il en a été ainsi, aussi longtemps que la supériorité de traitement, d’éducation et d’industrie dont jouissait la race de sang mêlé, n’a pas développé en elle le désir d’une jalouse égalité, et dans l’autre race, un sentiment contraire de crainte répulsive. L’exemple de Saint-Domingue, où les mulâtres, servant d’intermédiaires aux réformateurs blancs et aux esclaves, avaient décidé le renversement du pouvoir de la métropole, n’a pas peu contribué à ce changement de relations.

Ne faut-il pas que les hommes de couleur deviennent les plus réguliers soutiens de l’émancipation des noirs, ou bien les plus dangereux ennemis des blancs ? Si les lois ne leur permettent pas d’adoucir la distance du maître à l’esclave, par la fusion des couleurs, par le rapprochement des conditions, des intelligences, des intérêts qui se menacent aux extrémités les plus opposées, leur existence seule semble une provocation continuelle à la révolte. On les écrase alors, parce qu’on ne sait pas les employer, dans

  1. Marie ou l’Esclavage aux États-Unis, tableau de mœurs américaines, par G. de Beaumont. — 2 vol. in-8o, chez Gosselin.