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coup d’or et d’objets précieux[1]. Son bonheur et son impunité durèrent jusqu’à la mort du roi Haribert, qui eut lieu en 567. Sighebert, dans le partage duquel fut alors comprise la ville de Tours, n’avait point pour le ci-devant esclave la même affection que son frère aîné. Loin de là, sa malveillance était telle que Leudaste, pour s’y soustraire, quitta la ville en grande hâte, abandonnant ses propriétés et la plus grande partie de ses trésors, qui furent saisis ou pillés par les gens du roi d’Austrasie. Il chercha un asile dans le royaume de Hilperik, et jura fidélité à ce roi, qui le reçut au nombre de ses leudes[2]. Durant ses années de mauvaise fortune, l’ex-comte de Tours vécut en Neustrie de l’hospitalité du palais, suivant la cour de domaine en domaine, et prenant place à l’immense table où s’asseyaient par rang d’âge ou de dignité les vassaux et les convives du roi.

Six ans après cette fuite du comte Leudaste, Georgius Florentius, qui prit le nom de Grégoire à son avènement, fut nommé évêque de Tours, par le roi Sighebert sur la demande des citoyens dont il avait gagné l’affection et l’estime dans un voyage de dévotion qu’il avait fait de l’Auvergne, sa patrie, au tombeau de saint Martin. Cet homme, dont les récits précédens ont déjà fait connaître le caractère, était, par sa ferveur religieuse, son goût pour les lettres sacrées et la gravité de ses mœurs, l’un des types les plus complets de la haute aristocratie chrétienne des Gaules, parmi laquelle avaient brillé ses ancêtres. Dès son installation dans le siége métropolitain de Tours, Grégoire, en vertu des prérogatives politiques attachées alors à la dignité épiscopale, et à cause de la considération personnelle qui l’entourait, se vit investi d’une suprême influence sur les affaires de la ville et sur les délibérations du sénat qui la gouvernait. L’éclat de cette haute position devait être largement compensé par des fatigues, des soucis et des périls sans nombre ; Grégoire ne tarda pas à en faire l’expérience. Dans la première année de son épiscopat, la ville de Tours fut envahie par les

  1. Ubi seminando discordias, et inferendo calumnias, non modicos thesauros adgregavit. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 261.)
  2. Post obitum vero Chariberti, cùm in Sigiberti sortem civitas illa venisset, transeunte eo ad Chilpericum, omnia quæ iniquè adgregaverat, à fidelibus nominati regis direpta sunt. (Ibid.)