bornait à dire avec humeur : « C’est une nonne que j’ai là, ce n’est pas une reine[1].
Et en effet, pour cette ame froissée par tous les liens qui l’attachaient au monde, il n’y avait qu’un seul refuge, la vie du cloître. Radegonde y aspirait de tous ses vœux ; mais les obstacles étaient grands, et six années se passèrent avant qu’elle osât les braver. Un dernier malheur de famille lui donna ce courage. Son frère, qui avait grandi à la cour de Neustrie, comme otage de la nation thuringienne, fut mis à mort par l’ordre du roi ; peut-être pour quelques regrets patriotiques ou quelques menaces inconsidérées[2]. Dès que la reine apprit cette horrible nouvelle, sa résolution fut arrêtée ; mais elle la dissimula. Feignant de n’aller chercher que des consolations religieuses, et cherchant un homme capable de devenir son libérateur, elle se rendit à Noyon, auprès de l’évêque Médard, fils d’un Frank et d’une Romaine, personnage célèbre alors dans toute la Gaule par sa réputation de sainteté[3]. Chlother ne conçut pas le moindre soupçon de cette pieuse démarche, et non-seulement il ne s’y opposa point, mais il ordonna lui-même le départ de la reine ; car ses larmes l’importunaient, et il avait hâte de la voir plus calme et moins sombre d’humeur[4]. Radegonde trouva l’évêque de Noyon dans son église, officiant à l’autel. Lorsqu’elle se vit en sa présence, les sentimens qui l’agitaient, et qu’elle avait contenus jusque-là, firent explosion, et ses premières paroles furent un cri de détresse : « Très sain prêtre, je veux quitter le siècle et changer d’habit ! Je t’en supplie, très saint prêtre, consacre-moi au Seigneur[5] ! » Malgré l’intrépidité de sa foi et la ferveur de son prosélytisme, l’évêque,
- ↑ De qua regi dicebatur habere se magis jugalem monacham quàm reginam ; (Acta sanctorum Augusti, tom. iii, pag. 69.)
- ↑ Cujus fratrem posteà injustè per homines iniquos occidit. Illa quoque ad Deum conversa… (Greg. Turon. Hist. lib. iii, pag. 190.) — Ut hæc religiosius viveret, frater interficitur innocenter. (Script. rerum francic. tom. iii pag. 456. Ex vitâ S. Radegundis, auctore Fortunato.)
- ↑ Pater igitur hujus nomine Nectardus de forti Francorum genere, non fuit infimus libertate : mater vero romana, nomine Protagia, absolutis claruit servitute natalibus. (Ex vita S. Medardi.) — Ibid. pag. 451.
- ↑ Directa a rege veniens ad B. Medardum Noviomago… (Ibid. pag. 456.)
- ↑ Supplicat instanter ut ipsam mutata veste Domino consecraret. (Ibid.)