théorie de la Science nouvelle. Wolf fut celui qui attacha son nom à cette entreprise. Bien avant lui, les commentateurs alexandrins avaient remarqué dans l’Iliade et l’Odyssée des passages falsifiés, des anachronismes de langage et de mœurs ; et plus d’un vers portait encore au front le signe injurieux dont il avait été marqué par Aristarque. À cette critique de détail, Wolf ajouta celle de l’ordonnance des poèmes d’Homère. Il tirait son principal argument de l’époque tardive dans laquelle il rejetait l’usage de l’écriture parmi les Grecs. D’une part, il établissait l’impossibilité que des plans si incohérens fussent l’œuvre d’un seul poète ; de l’autre, à cette raison il joignait la difficulté de croire que des poèmes d’une aussi longue étendue eussent été composés, retenus, transmis, sans le secours de l’écriture. L’hypothèse qu’il présentait mettait fin à ces incertitudes. Les poèmes homériques étaient une série de chants populaires ; les auteurs en étaient nombreux ; chacun avait suivi son inspiration, à sa guise. Ils n’avaient eu entre eux d’autres rapports que celui du sujet et du lieu, d’autre unité que celle du génie grec ; car il n’était point sûr qu’ils eussent vécu à la même époque. Loin de là, il y avait mille raisons de penser qu’ils s’étaient succédés les uns aux autres à la distance de plusieurs siècles. D’ailleurs, on ignorait le nom de ce peuple de rhapsodes ; ou plutôt la mémoire d’eux tous s’était absorbée dans ce nom générique d’Homère, si pesant qu’il semblait impossible qu’un homme l’eût porté à lui seul. À cela se rapportaient des considérations importantes, le mystère jeté sur la vie d’Homère, la facilité de trouver à son nom des significations emblématiques, le penchant bien connu de l’antiquité pour le symbole, son défaut absolu de critique historique qui faisait qu’on ne pouvait respecter, en aucune manière, son idolâtrie pour les personnes. Rien n’était plus conforme à la tradition que d’admettre que ces chants eussent été réunis d’abord par les soins de Pisistrate. Ainsi s’expliquaient sans peine les discordances du poème, et le caractère officiel et légal qui leur fut propre dans l’antiquité.
Ceux qui embrassèrent cette opinion et qui étaient familiers avec le moyen-âge ajoutaient que des exemples d’un travail semblable s’étaient reproduits dans les temps chrétiens. On citait les chants allemands recueillis par Charlemagne, les romances du Cid, les divans des Arabes. Les découvertes que l’on venait de faire dans l’histoire des temps chevaleresques semblaient éclairer tout à coup,