de cœur qui ne s’inquiétaient pas du respect humain. » Il prie son bon fils Jean, si la terre paternelle venait entre ses mains, de ne rien changer à ses dispositions dernières pour sa sœur. Avec cette lettre, il envoyait pour cette sœur, son portrait sur parchemin, pour sa belle-fille Alice une pierre précieuse, pour Marguerite, sa fille chérie, un mouchoir, son cilice et le fouet dont il s’était flagellé. Maintenant que le combat était fini, il envoyait à sa fille ses armes.
Le lendemain matin, de très bonne heure, sir Thomas Pope vint lui apporter le message du roi et de son conseil qui lui annonçait qu’il devait mourir le jour même, avant neuf heures, et qu’il eût à s’y préparer.
— « M. Pope, dit-il, je vous remercie de tout mon cœur pour vos bons offices. Je dois beaucoup au roi pour les honneurs et bienfaits dont il m’a comblé, mais je lui dois bien plus encore pour m’avoir mis dans cette prison, où j’ai eu le temps et la place convenables pour me souvenir de ma fin. Et, je le jure devant Dieu, ce dont je suis le plus obligé envers sa majesté, c’est qu’il lui plaise de me faire sortir si tôt des misères de ce pauvre monde.
— La volonté du roi, dit sir Pope, est que vous ne prononciez pas de discours à votre exécution.
— Vous faites bien, M. Pope, reprit Morus, de me transmettre la volonté du roi ; car autrement je m’étais proposé de dire quelques paroles, mais aucune qui pût offenser sa grace ou toute autre personne. Quel qu’ait été mon désir à cet égard, je suis prêt à obéir au commandement de sa majesté. Je vous prie, bon M. Pope, d’obtenir du roi que ma fille Marguerite assiste à mes funérailles.
— Le roi, reprit M. Pope, a déjà permis que votre femme, vos enfans et vos amis fussent libres d’y assister.
— Combien je lui suis reconnaissant, dit Morus, d’avoir eu tant de considération pour mes pauvres funérailles ! »
Sir Thomas Pope, prêt à prendre congé de lui, ne put retenir ses larmes. Morus le consola. « Ayez confiance, M. Pope, nous nous reverrons quelque jour l’un l’autre, dans un lieu où nous serons sûrs de nous aimer au sein d’un bonheur éternel ! »
L’histoire ne serait pas fidèle, si elle omettait un détail qui complète le caractère de Morus, tout en gâtant peut-être le pathétique de ses derniers momens. La liberté de nos pères, peut-être au fond tout aussi honnête que notre pruderie, n’eût pas été embarrassée de