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LA BELGIQUE.

grands hommes et sans grandes choses, s’éteignaient obscurément dans leurs gras pâturages et leurs sillons épais.

Ce fut dans ces circonstances que le traité de Paris vint promettre à la Hollande un accroissement de territoire, et que le congrès de Vienne lui assigna la Belgique conformément aux stipulations du 30 mai 1814.

L’article 1er de cet acte porte « La Hollande placée sous la souveraineté de la maison d’Orange, recevra un accroissement de territoire. »

Les articles secrets annexés à cet acte ne laissent aucun doute sur l’esprit qui détermina ces arrangemens ; ils constatent la situation accessoire faite à la Belgique, malgré sa supériorité numérique et son étendue territoriale.

En vain les huit articles constitutifs du nouveau royaume stipulèrent-ils une fusion intime et complète, et une parfaite égalité. Les stipulations diplomatiques sont également inhabiles et à établir l’égalité entre deux peuples, et à effectuer l’anéantissement de l’un au profit de l’autre. L’on dérogea dès l’abord, à cette égalité parfaite, en déclarant la loi fondamentale de la Hollande applicable à la Belgique, sauf les modifications qui pourraient y être apportées.

Pour peu qu’on ne soit pas complètement étranger à l’histoire du royaume-uni, il n’est personne qui ne sache que l’assentiment de la Belgique à la constitution votée par l’unanimité des états-généraux à La Haye fut nettement refusé par la majorité de ses notables. Ce ne fut qu’en abusant de l’absence d’un quart environ d’entre eux qui furent supposés de droit favorables à l’adoption, et en comptant comme pures et simples les acceptations conditionnelles, que l’on parvint à grouper une majorité de quelques voix. Les publicistes favorables à la cause hollandaise ne nient pas ces faits[1], tout en contestant quelques chiffres.

Ce fut la première révélation d’un système que l’histoire imputera moins à la volonté du roi Guillaume qu’à d’impérieuses nécessités. Il y a dans les affaires de ce monde moins de spontanéité qu’on ne pense, et les hommes suivent le courant d’une situation bien plus souvent qu’ils ne

  1. Du royaume des Pays-Bas, par M. le baron de Keversberg ; 3 vol. La Haye. Ce qui concerne l’adoption subreptice de la loi fondamentale avait été signalé à la France, plusieurs années avant la révolution des Pays-Bas, par M. le baron d’Eckstein, dans une brochure importante sur la situation de ce pays, qui pouvait faire pressentir la catastrophe en expliquant ses causes multiples.