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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/430

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ses riches provinces entreraient par compensation en partage de la lourde dette hollandaise ; si les vœux des deux peuples n’avaient pas provoqué cette réunion, leurs intérêts l’auraient donc bientôt cimentée, car les mariages de convenance sont d’ordinaire la source d’un bonheur plus durable que les mariages d’inclination. Enfin, le nouvel état serait gouverné par un prince qui avait fait ses preuves comme soldat sur les champs de bataille, comme homme dans la mauvaise fortune. Que de garanties pour les Pays-Bas et pour l’Europe !

Il était une chose que l’Europe oubliait cependant : c’est que le peuple belge, plus nombreux que le peuple hollandais, était moins éclairé que lui, et que cette supériorité numérique, jointe à une infériorité politique trop évidente et trop justifiée par la situation antérieure des deux pays, serait l’occasion de complications dangereuses. On oubliait surtout, et c’est ici autant peut-être que dans les dissidences religieuses qu’il faut chercher le principe de l’incompatibilité, que depuis la formation de la république des Provinces-Unies la Belgique s’était constamment trouvée vis-à-vis de la Hollande dans une position de vasselage ; qu’à partir du traité de la Barrière jusqu’à la transaction de Joseph II sur la fermeture de l’Escaut, en 1785, les provinces méridionales avaient toujours été sacrifiées au désir qu’éprouvait l’Autriche de s’assurer l’alliance de la Hollande et le concours de ses flottes. Ainsi le peuple le moins nombreux pesait sur l’autre depuis deux siècles ; il avait été l’instrument de sa ruine, la cause de son humiliation.

« La Hollande avait conquis une partie de notre sol, s’écrie le plus éminent des publicistes belges, elle avait grevé le reste des servitudes de droit public ; la Belgique était le fonds servant, la Hollande le fonds dominant ; il existait une espèce de féodalité de peuple à peuple. La Hollande s’étendait sur une partie de la Belgique pour la tenir immobile sous elle et la paralyser dans toutes ses fonctions vitales. La Belgique se trouvait réduite à une existence purement intérieure, provinciale et communale[1]. »

Ainsi, pendant que les sept provinces du nord, sous leurs stathouders, leurs grands pensionnaires et leurs hardis amiraux, s’élevaient au premier rang entre les nations, les dix provinces du midi, sans histoire, sans

  1. Essai sur la révolution belge, par M. Nothomb, ch. ier.

    Je dois déclarer ici que l’auteur de ce bel ouvrage peut, à bon droit, réclamer la priorité de beaucoup d’idées développées dans ce travail. Mes vues concordaient trop souvent avec celles du savant secrétaire-général des affaires étrangères, pour que je ne m’en inspirasse pas. Après avoir pris une part importante à la lutte parlementaire et aux transactions diplomatiques, qui n’ont pas été stériles pour sa patrie, M. Nothomb a élevé à la révolution belge un monument qui honore son pays et lui-même. Ce livre est écrit avec une raison sévère et une tempérance de style qui n’exclut pas la chaleur. C’est le premier et jusqu’ici, on doit le dire, le seul produit de cette nationalité éclectique, dont l’écrivain a ingénieusement formulé les conditions.