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lui-même ; il peint ce qu’il a senti plutôt que ce qu’il a vu, etc. » Le nom de Colin d’Harleville restera dans l’histoire littéraire, et on courrait risque, en ignorant ce jugement d’un coup d’œil si sûr, de voir et de dire moins juste à son sujet. On réimprimait et on publiait alors, vers 1806, chez Léopold Collin, une quantité de lettres du dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, de Mlle de Montpensier, de Ninon, de Mme de Coulanges, de Mlle De Launay, etc ; Mlle de Meulan en parle comme l’eût fait une d’entre elles, comme une de leurs contemporaines, un peu tardive. Elle dit de Mme Deshoulières : « Ses idylles n’ont peut-être d’autre défaut que de vouloir absolument être des idylles… Elle a mis de l’esprit partout, et des fleurs où elle a pu. » — « Le talent de Mme Cottin ne permet guère de le juger, dit-elle, que lorsque les émotions qu’elle a fait naître sont passées, et ces émotions durent longtemps. » — Elle dit du style, de Mme de Genlis qu’il est toujours bien et jamais mieux[1]. Avec tant de qualités délicates et ingénieuses qui faisaient d’elle une dernière héritière de Mme de Lambert, elle avait des qualités fortes ; la polémique ne l’effrayait pas ; les coups qu’elle y portait, dans sa politesse railleuse, étaient plus

  1. Dans le compte-rendu de l’Almanach des Muses, de l’an xiv (1806), Mlle de Meulan distingue et cite au long une idylle intitulée Glycère, et signée Béranger, dont elle trouve le ton naturel et l’idée touchante. Il est piquant que le premier éloge donné au talent de Béranger (car ce ne peut être que lui) vienne de ce côté. Voici l’idylle citée dans l’article :

    un vieillard.

    Jeune fille au riant visage,
    Que cherches-tu sous cet ombrage ?

    une jeune fille.

    Des fleurs pour orner mes cheveux.
    Je me rends au prochain village
    Avec le printemps et les jeux.
    Bergères, bergers amoureux,
    Vont danser sur l’herbe nouvelle ;
    Glycère est sans doute avec eux,
    De ce hameau c’est la plus belle ;
    Je veux l’effacer à leurs yeux.
    Voyez ces fleurs, c’est un présage…

    le vieillard.

    Sais-tu quel est ce lieu sauvage ?

    la jeune fille.

    Non, et tout m’y paraît nouveau.