Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/486

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
482
REVUE DES DEUX MONDES.

dépêche ; les explications du ministre donnent l’assurance que les dispositions sont toujours bonnes ; le ministre a dissipé telle défiance qui s’était élevée d’après un certain bruit, et quand vingt dépêches, écrites sous cette influence, sont expédiées à vingt gouvernemens, bien des difficultés qui naissaient, et qui auraient pu grossir, se trouvent aplanies. Mais il faut que la dépêche parte, il faut qu’elle parte, et qu’elle renferme des faits ; et quand le ministre se tait, et ne fait pas lui-même la dépêche de l’ambassadeur, en s’expliquant dans son cabinet, d’autres la font pour lui, ses ennemis souvent, ses amis quelquefois, ce qui est plus dangereux encore ; car, un jour de dépêches, un ambassadeur prend ses nouvelles où il peut ; c’est un journaliste, et un journaliste qui n’est pas contrôlé par la publicité.

Il en est ainsi dans la discussion des affaires ; elle est facile quand on s’entretient familièrement ; elle est hérissée de difficultés quand on parle comme on parlerait du haut d’une tribune, ou du haut d’un trône, et c’est ce que faisait M. de Broglie. Le duc de Broglie avait un système de fierté pour la France. Ce système consistait à ne jamais dire que ce qui était rigoureusement nécessaire, à écouter silencieusement les objections de la diplomatie, et à remettre, avec gravité, la réponse à quelques jours. Ne blâmons pas le délai, il est bon de réfléchir en ce monde ; mais, le jour venu, M. de Broglie offrait des siéges aux ambassadeurs, et leur tenait un long discours, beau discours, il est vrai, prononcé avec cette convenance parfaite et ce choix de la parole qui distinguent M. de Broglie ; mais c’était un discours, et comme un discours appelle un autre discours, la séance se changeait en un interminable, congrès, au lieu d’une conférence intime. Aussi les affaires ne s’achevaient pas chez M. de Broglie ; et quand elles ne se faisaient pas ailleurs, elles ne se faisaient pas du tout.

Les ambassadeurs, repoussés par ces manières, s’éloignaient du ministre des affaires étrangères ; on ne les voyait plus dans le salon de M. de Broglie, et ils ne se présentaient jamais dans son cabinet que dans le cas de nécessité urgente, ce qui faisait dire à M. de Talleyrand : « Je ne sais comment a fait M. de Broglie, mais il a trouvé moyen de se rendre désagréable tout à la fois à Londres, à Vienne et à Saint-Pétersbourg ; c’est jouer de malheur. » — Cependant l’état de l’Europe voulait des relations plus suivies et plus