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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/487

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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

faciles avec les puissances. L’Angleterre et la Russie se trouvaient placées d’une manière, sinon hostile, du moins peu bienveillante vis-à-vis l’une de l’autre. Lord Ponsomby, esprit remuant, que lord Palmerston avait peine à retenir, causait de fréquentes inquiétudes à Constantinople. D’ailleurs, lord Palmerston lui-même était forcé de se montrer hautement opposé à la Russie dans le parlement, où le parti tory, qui avait pris les devans, l’eût accusé de manquer à la politique nationale de l’Angleterre. De son côté, M. de Metternich, quoique toujours épris du statu quo, et fidèle à la vieille politique de l’Autriche, qui penche vers l’Angleterre, était en termes plus que froids avec lord Palmerston, dont le caractère n’était pas tout-à-fait sans analogie avec celui de M. de Broglie. M. de Talleyrand lui-même était brouillé avec lord Palmerston, et, dans cet état de choses, la France avait à la fois à perdre ou à gagner, selon la direction plus ou moins habile, plus ou moins souple et liante de sa politique extérieure. Le maintien de la paix dépendait surtout de la conduite qu’on tiendrait avec la Russie. Les hommes bien informés savaient que la Russie n’avait pas le dessein de s’emparer de Constantinople et de la mer Noire ; ils n’ignoraient pas qu’un parti sage s’est formé depuis quelques années en Russie, parti qui prend tous les jours plus d’influence dans le cabinet de l’empereur, et qui semble avoir adopté pour maxime les belles paroles qu’un savant diplomate, feu d’Hauterive, voulait qu’on inscrivît sur l’arc de triomphe de Cherson, où les flatteurs avaient gravé ces mots : Chemin de Constantinople. L’inscription de M. d’Hauterive était celle-ci : « Les forces de cet empire ne serviront plus désormais à l’agrandir, mais à le gouverner. » — Voilà ce que disait, dans un admirable rapport au premier consul, dans son livre intitulé : État de la France à la fin de l’an viii, un homme sage et expérimenté, dont la voix semble retentir aujourd’hui au bout du monde, trente-six ans après s’être fait entendre inutilement. Et, en effet, jamais les forces et les ressources de l’empire russe n’ont plus été tournées vers l’amélioration. Les hommes capables sont envoyés sur tous les points du globe pour étudier l’administration, les arts, les sciences, et s’instruire de tous les perfectionnemens de l’industrie, de tous les procédés agricoles que permettent d’employer les cent climats de la Russie. En Suède, des agens russes étudient la culture des grains, en Angleterre, les assolemens, les chemins