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POÉSIE POPULAIRE DE LA HOLLANDE.

de leur pays des expressions, des règles d’emprunt, et élevèrent l’édifice littéraire de la Hollande sur une base étrangère.

Mais le xvie siècle arrivait précédé de la découverte de l’imprimerie, et apportant avec lui la réforme religieuse, le principe de liberté des temps modernes. Tout le monde connaît l’histoire de cette lutte sanglante que les Pays-Bas soutinrent contre l’Espagne. Tout le monde sait avec quelle fermeté les protestans des Provinces-Unies résistèrent au despotisme de Philippe II et à la dictature du duc d’Albe ; comment ils subirent, sans changer de résolution, l’incendie et le pillage, la misère et la proscription, et comment leur héroïsme les affranchit enfin du joug qui pesait sur eux, et fit d’une province espagnole une république indépendante présidée par l’homme qui avait été le principal moteur et le chef de cette révolution, par Guillaume d’Orange le Taciturne.

Au milieu de ces évènemens politiques, la science et la littérature hollandaise s’enhardissent et prennent leur essor. Érasme développe cette finesse d’esprit, ces trésors d’érudition qui ont rendu son nom si populaire. Le fougueux Coornhert se délasse de ses guerres de protestant en traduisant quelques-uns des plus beaux livres de l’antiquité. Marnix écrit ses satires religieuses ; Visscher et Spieghel travaillent tous deux, par leurs préceptes, par leur exemple, à polir la langue hollandaise et à donner à la poésie une élégance de forme qu’elle n’avait pas encore eue. Bor publie son Histoire des Pays-Bas, Plantin son Trésor de la langue teutonique (Thesaurus teutonicæ linguæ), et la ville de Leyde préfère, à une exemption d’impôts, l’établissement d’une université. Puis, voici venir l’époque classique de la Hollande ; voici venir Hooft, formé à l’école des auteurs anciens et des écrivains italiens ; Hooft, poète et prosateur, qui créa la tragédie hollandaise et écrivit avec un rare talent une histoire de son pays ; Vondel, que les Hollandais appellent leur Shakspeare ; Jacob Cats, poète moral et didactique dont les œuvres se trouvent encore aujourd’hui à côté de la Bible dans toutes les familles ; Huygens, qui publia un recueil de satires et de poèmes descriptifs vraiment remarquable ; Kamphuizen, le poète tendre et mélancolique de cette époque ; Decker, Anslo, Westerbaan, Pierre de Groot, fils de Grotius, qui cultivèrent la poésie avec succès. C’était au commencement du xviie siècle ; pendant une cinquantaine d’années, la littérature hollandaise marcha : toujours en progressant. Le peuple la vit grandir avec orgueil ; les autres nations l’étudièrent, et après avoir long-temps eu recours à des modèles étrangers, elle servit à son tour de modèle aux Allemands.

Mais bientôt ce mouvement national s’affaiblit et s’arrête. L’influence étrangère reprend son empire. L’éclat du siècle de Louis XIV éblouit les écrivains de Hollande, comme ceux d’Allemagne et d’Angleterre. À cette époque, on peut dire que toute l’Europe obéissait à la même inspiration