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la participation donnée aux actes du congrès national par les députés du Luxembourg ; aussi bien que par ceux du Limbourg, constituait un titre qui annulait tous les autres. Mais, quelle que soit la valeur du principe de nationalité, quel que puisse être son avenir, il était primé dans le droit public européen par l’autorité des faits et des conventions politiques, et ces faits créaient des titres incontestables à qui pouvait les invoquer.

Des difficultés analogues se présentaient relativement au partage de la dette. Sur les 27,772,275 florins de rente annuelle affectés par les derniers budgets du royaume des Pays-Bas au paiement de l’intérêt de la dette, une somme de 10,100,000 florins représentait seule celui de la dette commune créée pendant la réunion. Pour cette partie, une proportion naturelle se présentait au prorata des contributions acquittées par les deux grandes divisions du royaume, et un calcul établi sur les trois dernières années de la réunion fixait la part de la Belgique aux seize trente-unième. Mais comment statuer pour le reste ? Fallait-il ne mettre à la charge du nouvel état que la dette ancienne des Pays-Bas et la dette dite austro-belge ? Celle-ci se trouvait dans un très faible rapport avec la masse de la dette hollandaise, et il était douteux que le crédit de la Hollande, gravement affecté par la séparation des provinces belges, pût supporter une telle charge sans succomber. Y aurait-il justice, d’ailleurs, à l’imposer à ce pays, alors que sa position politique était si violemment changée, qu’il n’était réintégré dans aucune de ses possessions coloniales, et que l’Europe lui interdisait l’emploi des armes, ce premier attribut d’une souveraineté indépendante ? Ne fallait-il pas que la Belgique acquît à titre onéreux l’usage des eaux intermédiaires et du transit vers l’Allemagne qu’elle réclamait comme condition d’existence ? Pouvait-elle passer de la situation de fonds servant, qui avait été si long-temps la sienne, à celle de fonds dominant, sans payer cet avantage par une participation quelconque au lourd fardeau de la dette hollandaise ?

Tel était l’inextricable réseau de difficultés qui enlaçait la conférence. Espérer le dénouer autrement qu’en le tranchant, était une illusion qui ne pouvait manquer d’être bientôt comprise. La première venue de ces questions, celle de l’Escaut et des eaux intermédiaires, par exemple, eût exigé, pour être résolue par une médiation régulière, de longs travaux de la part des négociateurs, en même temps qu’un désir sincère de s’accorder chez les parties. Or, la diplomatie de ce temps-là se faisait au bruit du réveil de la Pologne, durant les agitations de l’Italie et de la Péninsule espagnole. Les courriers partaient entre deux émeutes ; le drapeau rouge et le drapeau blanc, simultanément déployés sur notre sol, venaient rendre plus intraitables les prétentions que la conférence s’efforçait vainement de concilier.