Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
553
LA BELGIQUE.

Si l’Autriche possédait alors les provinces belgiques, le Luxembourg et la plus grande partie du Limbourg, le pays de Liége était sous la souveraineté du prince-évêque, qu’il exerçait également sur la moitié de la ville de Maëstricht. Or, aucun titre légal, si ce n’est le vœu révolutionnaire qui n’en tenait pas lieu pour l’Europe, n’avait attribué les états de Liége à la Belgique. Quel droit pouvait-elle également prétendre, en partant de l’état de possession de 1790, aux districts détachés de la France avec Philippeville et Marienbourg, que le congrès de Vienne, dans un intérêt de défense européenne, avait réunis, en 1815, au royaume des Pays-Bas ? Enfin, si l’on remontait aux temps de la domination autrichienne pour y chercher des titres, ne devait-on pas aussi faire revivre les servitudes, que l’Espagne et l’Autriche avaient établies sur le sol belge au profit de la Hollande ? Le traité de Munster, avait prononcé la clôture de l’Escaut ; il imposait à tout navire, venant de la haute mer, l’obligation de décharger à l’embouchure du fleuve, et les cargaisons devaient être transportées en Allemagne ou en Flandre par navires hollandais à l’exclusion de tous autres. La Belgique de 1830 subirait-elle encore cette loi sous laquelle elle s’était courbée pendant deux siècles ? Était-elle en mesure de réclamer l’application des principes du nouveau droit maritime proclamé à Vienne, et triompherait-elle jamais des résistances de la Hollande, que l’Europe n’avait pu vaincre après quinze années de négociations assidues ?

De plus graves difficultés s’élevaient. Quoique le congrès de Bruxelles arguât de l’incontestable nationalité belge du Luxembourg, de ses vœux, de la part prise par lui à la révolution de septembre, les puissances signataires des actes de 1814 et 1815 ne pouvaient oublier que, lors de la conquête de l’empire, le grand-duché, détaché des provinces belges, avait été donné postérieurement par elles, à titre de souveraineté particulière, au roi des Pays-Bas, en remplacement des quatre principautés nassauriennes cédées à la Prusse. Si ce prince avait plus tard, par un simple arrêté, réuni le grand-duché aux provinces méridionales, un tel acte, irrégulier par lui-même, ne pouvait lier les cours signataires, et ne changeait en rien le titre en vertu duquel le Luxembourg avait été primitivement possédé. Ce pays était donc dans une situation tout exceptionnelle vis-à-vis du roi Guillaume, des agnats de sa maison, et de la confédération germanique dont il faisait partie. Enfin, dans le Luxembourg même, se trouvait enclavé l’ancien duché de Bouillon qui, avant 1790, appartenait à la maison de ce nom. Les prétentions de ses membres revivraient-elles ? en quelles mains ces droits étaient-ils passés ?

La révolution belge, logique comme toutes les révolutions, repoussait péremptoirement toutes ces distinctions. Elle professait en principe que