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quand elles existent, mais qu’on ne crée plus, grace au ciel ; objet d’échange et de compensation, que le roi Guillaume essaierait sans nul doute de troquer contre des districts de la Gueldre ou du pays de Clèves, si la France permettait jamais, ce qu’à Dieu ne plaise ! que les avant-postes prussiens passassent la Meuse pour s’étendre sur ses frontières, jusqu’à Rodanges, en face de Longwy.

Ne cherchons pas dans le morcellement du Luxembourg une pensée politique : prenons cette combinaison pour ce qu’elle est, pour un expédient qui permettra de gagner quelques années. La situation de la Belgique n’est pas mieux fixée ; et quelle que puisse être sa modération ; il ne lui sera pas donné de s’asseoir jamais dans les limites qui lui sont faites, comme dans une situation définitive. Conçoit-on ce pays dans sa neutralité perpétuelle, incapable d’acquisitions et de conquêtes, ne cherchant pas même, par la possession de Maëstricht, à s’assurer la rive gauche de la Meuse ? Comprend-on bien un état neutre, ayant sur son territoire une place formidable avec un rayon de 1,200 toises (art. 4), qu’il devra faire constamment surveiller par un camp de quinze mille hommes ? Sur l’Escaut, la position n’est pas moins précaire, les difficultés ne sont pas moins graves. Par le Limbourg, la Hollande peut envahir la Belgique ; elle peut l’inonder par la Flandre ; elle dispose à son choix de l’eau et du feu. Les deux rives de l’Escaut lui appartiennent, comme les deux rives de la Meuse. Les Belges, sont sous une perpétuelle menace de blocus maritime et militaire ; il leur faut, pour se défendre, mieux que des protocoles. Si la première condition d’existence d’un état neutre est une complète sécurité de position et d’entour, qu’on juge de ce que vaut la neutralité-perpétuelle imposée à la Belgique par le traité du 15 novembre ! (art. 7). Ce pays est contraint de choisir entre l’alliance de la France et celle de la Prusse. Décider qu’il n’en formera aucune, est une manière par trop étrange de trancher la difficulté.

Ces observations n’ont pas pour but de reprocher ses décisions à la conférence ; elles tendent bien moins encore à blâmer l’adhésion que la Belgique y a donnée. La première condition pour les peuples, c’est d’être ; la seconde, c’est de se développer graduellement selon les lois de leur nature. Ce peuple, placé entre une restauration et un partage, devait accepter toutes les conditions imposées par la diplomatie pour entrer au nombre des nations. Mais ses développemens ultérieurs seront son œuvre, à lui seul il appartient de résoudre le problème de son avenir.

Un jour viendra où il y aura une place à prendre en Europe ; il faut qu’il s’en empare ou qu’il disparaisse. Point de milieu pour cet état : avant vingt ans, la Belgique sera réunie à la France, et il sera démontré que la nationalité belge est une chimère ; ou la Belgique, liée d’intérêts avec nous,