Ainsi ce que manqua Charles-Quint, ce que Louis XIV convoita, ce que Napoléon n’eut pas le temps de prendre, nous l’avons : voilà un fait éclatant, voilà une gloire impérieuse qui veut être obéie.
Et voyez la convenance des évènemens : la France agrandit son empire à la veille d’accomplir une révolution : plus tard elle n’eût pas eu le loisir d’étendre le bras si loin ; aujourd’hui elle est assez calme et assez forte pour cultiver sa conquête.
Il y a six ans, la race de Louis XIV a laissé l’Afrique à la France de l’empire et de la révolution ; elle avait cru travailler pour elle-même, elle a travaillé pour nous ; voilà les jeux de l’histoire mais le testament n’en est pas moins honorable, et c’est à nous à l’accepter. C’est ainsi qu’à travers des vicissitudes qui semblent se contre-dire et se combattre les nations poursuivent l’unité de leur grandeur.
La possession de la régence d’Alger n’est plus une matière de discussion, mais une donnée irrévocable, mais un fait acquis, constitué, et qui doit servir de théâtre inébranlable à notre activité. Où en serait la vie des peuples, si à chaque instant le sol qu’ils ont conquis par leurs travaux pouvait trembler sous leurs pas, et si l’œuvre de la veille, soumise chaque matin à de timides contrôles, éveillait dans les esprits non pas l’ardeur, mais le regret, non l’enthousiasme, mais le repentir.
À cent cinquante-cinq lieues des côtes de France, nous avons pris pied dans une terre qui égale au moins la fécondité de l’Europe méridionale, de notre Provence, de l’Espagne et de l’Italie. Les fruits les plus nécessaires et les plus beaux y sont abondans. Le blé et l’olivier, la vigne et l’oranger y confondent leurs trésors. Dans les plaines d’Azydour, de Habrah et de Metydjah, le travail de l’homme est certain de sa récompense. Le colon français peut s’y trouver entouré de tous les produits qu’il a l’habitude de cultiver sur le sol natal[1].
Outre ces résultats assurés, dont une habile culture doit augmenter encore la fertilité, il y a de grandes expériences à tenter, qui promettent d’être heureuses. Cette terre n’a pas livré tous ses secrets parce qu’elle n’a pas encore été scrutée avec assez d’industrie. N’est-il pas probable que le mûrier blanc peut s’y acclimater et
- ↑ Voyez le mot Alger, par M. D’Avezac, dans l’Encyclopédie nouvelle, publiée par MM. Leroux et Reynaud.