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DE LA CONSERVATION D’ALGER.

l’empire ottoman à la Russie ; les autres ont déclaré que l’indépendance de l’Europe ne survivrait pas à la chute de Constantinople entre les mains des successeurs de Catherine. Tout cela manque de vérité. D’une part, il ne faut pas se hâter de rayer de la carte politique l’héritage de Mahomet II ; de l’autre, si Constantinople appartenait un jour au czar, cette mutation de propriété n’ébranlerait pas l’Europe, si la France est souveraine dans la Méditerranée.

Napoléon avait eu sur l’Égypte de grands projets ; il faut les reporter sur Alger. La possession du littoral de l’Afrique rapproche de nous l’Orient et rend possibles dans l’avenir les plus éclatantes prospérités.

Nous possédons la régence, c’est bien : pourquoi plus tard n’étendrions-nous pas notre suprématie sur Tunis et Tripoli ? L’empire de Maroc, qu’inquiète notre voisinage à Tlemcen, ne vient-il pas d’appeler notre attention et nos armes par des secours donnés aux Arabes ?

Quand nous serons maîtres puissans et certains d’un vaste territoire, le commerce intérieur des caravanes ne viendra-t-il pas nous chercher ? Ne sommes-nous pas près de l’Égypte, et par mer et par terre ? N’y pouvons-nous exercer une suzeraineté salutaire aux deux civilisations de l’Orient et de l’Occident ? Pourquoi un jour n’interviendrions-nous pas en Syrie entre la Russie et l’Angleterre, de façon qu’à l’exemple de l’empire romain nous aurions à promener notre vigilance et nos pensées des bords du Rhin aux rives de l’Euphrate

Tout cela est possible ; mais il y faut du temps, de la patience et du génie. D’abord il importe de vaincre les populations arabes et de graver dans leur imagination le respect de la supériorité européenne. Ce n’est pas la première fois que le Franc et l’Arabe en viennent aux mains, et que la victoire demeure à l’Occident. Quand des forces nombreuses et des avantages multipliés auront montré notre puissance aux Arabes, tenons pour certain que leur admiration pour nos armes se tournera en dévouement à notre cause. Les meilleurs alliés sont toujours les vaincus de la veille, et l’amitié la plus fidèle naît à l’ombre de la victoire.

Alors nous pourrons achever de vaincre les Arabes avec les Arabes eux-mêmes. Un jour l’Afrique peut obéir à la seule présence de quelques milliers de Français dirigeant et disciplinant les tribus