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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/618

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arabes ; mais ce moment n’est pas venu, et il faut l’acheter par nos efforts. L’Arabe et le Français peuvent s’unir ; ils ne sont pas entre eux sans quelque ressemblance : imagination vive, noble cœur, brillant courage, voilà de belles analogies. Mais il faut à l’alliance des deux races les préliminaires du champ de bataille ; si nous estimons l’Arabe, il faut qu’il nous admire ; et pour mieux nous servir plus tard, il ne doit pas penser aujourd’hui que nous ayons besoin de lui.

25 ou 30,000 hommes commandés par un lieutenant illustre de Napoléon, tout le prestige de la puissance militaire, une administration habile et ferme, apportant dans la nouvelle colonie les traditions les mieux éprouvées par une longue expérience, une résolution inébranlable de considérer la régence comme une partie intégrante de l’empire français ; par une foi sincère en nous-mêmes, réveiller celle que le monde avait en nous, préparer avec patience et sûreté les plus grands résultats, commencer dès aujourd’hui l’œuvre systématique et persévérante d’un siècle entier : voilà les moyens et les pensées auxquels le succès ne saurait être infidèle.

Nous aurions désiré au gouvernement, qui depuis six ans s’occupe de l’Afrique, plus de suite dans les idées et plus de vigueur dans l’exécution. Nous faisons la part des difficultés que présentent les circonstances. Les émotions et les embarras d’une révolution récente, la possibilité d’une guerre continentale, ont dû divertir l’attention. Mais c’est le propre des gouvernemens habiles et forts, d’embrasser les points les plus opposés et de puiser une nouvelle énergie dans les situations extrêmes. Il eût été beau de faire dès 1831 ce qu’il faut commencer aujourd’hui, et d’éviter cinq années de tâtonnement et d’impuissance.

Puisque le pouvoir exécutif est constitutionnellement responsable, il doit être libre ; libre dans la sphère que la charte lui a tracée. Or, rien ne saurait mieux lui appartenir que le soin de fonder une colonie ; il ne s’agit pas ici de disserter, mais d’agir. En plusieurs occasions, les ministres ont montré une susceptibilité très vive sur ce qu’on appelle la prérogative royale ; et par une contradiction singulière, on les a vus, dans la question africaine, s’empresser d’appeler le pouvoir législatif au partage avec la puissance exécutive.

En 1833, on a envoyé en Afrique une commission composée,