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DE LA CONSERVATION D’ALGER.

en grande partie, de membres des deux chambres. Le séjour des commissaires fut court ; revenus en France, on leur adjoignit d’autre pairs et d’autres députés ; de tant de conférences, il sortit bien un rapport, mais pas d’idée, pas de plan, pas d’acte.

Cette stérilité ne saurait être imputée aux hommes distingués qui concoururent à cette enquête. Les affaires ne se mènent pas ainsi. Il faut que celui qui conçoit, exécute ; qu’il puisse, dans l’exécution, corriger certains détails du plan conçu. C’est ce mélange d’acte et de pensée qui constitue la gestion politique, qui permet le succès et la responsabilité. Il fallait conquérir des résultats et les montrer aux chambres ; il fallait les appeler à délibérer sur des choses faites et non sur des choses à faire. Nous avons dépensé tant, argent et hommes, pour l’honneur et la puissance de la France : donnez-nous quittance. Qui oserait refuser de solder la victoire, et d’accorder un bill d’indemnité au sang glorieusement répandu ?

Le pouvoir exécutif a pris un autre parti ; il a tenté d’associer les chambres à son action ; il a voulu obtenir, par cette déférence, les fonds nécessaires à l’établissement nouveau. Certes, c’est un des mérites du régime représentatif que les chambres puissent accorder ou refuser l’emploi des ressources financières de l’état, et il est vrai que, de cette façon, elles partagent le gouvernement. Mais alors il faut gouverner.

Les chambres gouvernent aussi en Angleterre ; mais voit-on que la tribune y soit funeste à l’action ? Expose-t-on à la publicité annuelle des débats parlementaires l’intérieur des colonies, ce qui se passe aux Indes, ce que l’état peut craindre ou espérer ? Non ; là, il y a des bases qu’on n’ébranle plus, des passions nationales qu’on respecte, des intérêts qu’on sert à tout prix, des situations faibles et des blessures qu’on cache avec patriotisme.

Il serait temps d’imiter cette pratique excellente ; il serait temps que la discussion qui va s’ouvrir sur Alger fût la dernière, j’entends sur le fond, sur la destinée même de notre colonie. C’est assez d’avoir, pendant cinq ans, mis en question notre énergie et notre honneur : plus de ces hésitations, de ces parcimonies fatales, qui nous déconsidèrent et nous atténuent. Il est presque coupable de délibérer si l’on gardera une terre qu’arrose le sang français au moment où l’on parle.

On s’expose à apprendre une disgrace ou un échec moral de