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LA BELGIQUE.

les évènemens les avaient récemment convertis. C’est le propre de l’esprit clérical d’être éminemment logique. Le tour habituel de la pensée, la séquestration du monde, l’exaltation qu’elle engendre, expliquent et justifient cette disposition, plus favorable aux spéculations métaphysiques qu’aux applications, si souples et si variées, de la vie sociale.

Le clergé belge, celui des Flandres surtout, appartient presque tout entier aux idées démocratiques et aux théories libérales que l’école de M. de La Mennais n’eût réussi à propager en France qu’autant que le libre exercice du culte catholique y eût été menacé par le pouvoir. Ce clergé déduit mathématiquement la conséquence du principe électif, comme le célèbre écrivain déduisit imperturbablement, pendant dix années, celle du principe contraire, avec une inflexibilité qui ne reculait pas plus devant les objections de l’histoire que devant les résistances du temps. Dans la discussion de la constitution, dans celle de ses lois complémentaires, le parti catholique a été et continue d’être le plus puissant auxiliaire des théoriciens de l’école de gauche ; lui seul est aujourd’hui en mesure d’imposer des conditions au pouvoir, et de réclamer avec succès en faveur des principes libéraux contre la tendance centralisante du parti des hommes politiques ; car le libéralisme à la française compte à peine quelques voix dans la chambre des représentans, et il est tout-à-fait nul dans le sénat.

La constitution belge est donc, à double titre, l’œuvre du parti catholique. Il l’a d’abord combinée en s’appuyant sur l’autre nuance de l’Union, puis il l’a fait accepter par les populations dont il dispose. Rien de si piquant que la physionomie de ses principaux organes parlementaires, esprits bornés et nobles cœurs, où les vertus privées ne suppléent pas le manque d’expérience, braves gens sortis de leurs châteaux et de leurs fabriques, pétris de bonnes intentions et tout hérissés de préjugés, de la même pâte que ces tories de vieille roche, dont sir Walter Scott a crayonné tant et de si vivans portraits.

Il ne faut pas se faire illusion néanmoins sur cette rigueur puritaine ; en même temps qu’on la professe avec une entière bonne foi, il se trouve qu’elle sert au mieux les intérêts qu’on a le plus à cœur de protéger, et qu’elle permet de concilier tous les avantages du pouvoir avec ceux de la popularité, ou plutôt de conquérir les uns par les autres. La liberté n’est pas une abstraction plus que la foi ; elle doit se résoudre en actes positifs du moment où, dans l’exercice des fonctions publiques, on est appelé à en appliquer les formules. C’est ainsi que, lorsqu’il s’est agi d’organiser l’enseignement public, la majorité législative et le ministère qui en émane, ont habilement combiné les dispositions de la loi, de manière à garantir, ainsi qu’on le montrera plus tard, une haute prépondérance à l’enseigne-